samedi 27 avril 2013

Sujet du Mercredi 08 Mai : Du corps par le corps avec le corps depuis le corps et jusqu'au corps"



Du corps par le corps avec le corps depuis le corps et jusqu'au corps"
Artaud – Interjections –


« Le vrai mystère du monde est le visible et non l’invisible »
Oscar Wilde –  Le portrait de Dorian Gray –


Les philosophes ont souvent préféré méditer sur l’âme et ses passions, faire des enquêtes sur l’entendement humain, ou encore critiquer la raison pure, plutôt que se pencher sur la réalité du corps et sur la finitude de la condition humaine. Pourtant, même si le corps a souvent été considéré comme un fardeau entravant la connaissance et la vertu, aucune philosophie n’a jamais pu faire l’économie de sa présence. C’est dans et avec son corps que chacun de nous naît, vit, meurt c’est dans et par son corps qu’on s’inscrit dans le monde et qu’on rencontre autrui. Il suffit d'expliquer le corps pour comprendre l'esprit car l'esprit n'est qu'une propriété de la matière. Cette option matérialiste forte conduit soit à éliminer du vocabulaire philosophique et scientifique le mot «esprit», soit à faire de l'esprit un épiphénomène des processus neuronaux. On aboutit alors à une naturalisation de l'homme, de la pensée, de la subjectivité dont il convient de mesurer les enjeux.

Il s’agit tout d’abord de nous interroger sur le corps en tant que tel. Nous avons l’habitude de penser le corps en référence à autre chose comme s’il ne se suffisait pas à lui-même : en référence à l’âme dans la perspective d’une ontologie, en référence à la conscience dans la perspective d’une philosophie du sujet, en référence à l’esprit dans la perspective d’une philosophie de la connaissance. Le corps est presque toujours le corps par rapport à son autre qui lui donne consistance et le pense comme un objet. Corps de l’âme, corps dans la conscience, corps comme corrélat d’un esprit qui le connaît. Peut-on penser le corps tout seul? C’est ce à quoi le sujet de ce soir vous invite à vous pencher, sujet qui cherche à mettre au défi de penser de façon cohérente le corps dans son isolement. Et si le corps se suffit à lui-même, la conséquence n’est-elle pas que nous pourrions tout aussi bien nous passer des notions d’âme, de conscience ou d’esprit ? Ou tout au moins, renverser la situation et comprendre en quoi ce sont ces notions qui ne peuvent être pensées en dehors du corps.



Des questions s’imposent alors:

Comment passe-ton du corps entendu au sens de ce qui est corporel, de la matière indifférenciée, au corps physique qui a une forme et une unité et enfin au corps en tant qu’organisme vivant ? Comment penser la vie du corps vivant ? Bien évidemment, c’est dans cette perspective que prend sens la métaphore du corps appliqué au domaine politique. Qu’est-ce qu’un corps politique ? Dans quelle mesure l’analogie du corps politique avec le corps vivant est-elle légitime ou bien une mystification idéologique ?
Nos auteurs de référence seront : Lucrèce, Aristote, Descartes, La Mettrie, Condillac, Diderot, Sade et Kant.

                                                                     
 
Nous sommes parvenus à l’organisme vivant. Il nous faut passer à cet organisme pensant et doté de conscience qu’est l’homme. Comment penser les rapports du corps et de la conscience? Le fait d’avoir un corps est-il pour l’homme un obstacle à l’épanouissement de sa rationalité ? Nous nous souvenons tous du Phédon et du corps défini comme « le tombeau de l’âme ». Certes, mais il y a des façons de penser plus pacifiquement les rapports du corps et de l’esprit, de les comprendre comme une complémentarité, une expression mutuelle. Nous aurons ici l’aide de Platon, Descartes, Spinoza, Hegel, Nietzsche et Bergson.

       
Mais c’est sans doute une impasse de penser les rapports du corps et du spirituel en nous comme si notre corps n’était pas d’emblée un corps animé d’intentions (donc d’une volonté de nature spirituelle) et comme si notre esprit n’était pas un esprit d’emblée incarné. Nous tenterons donc d’analyser l’être au monde de notre corps pour nous comprendre comme un corps situé dans un monde et approfondir l’expérience de notre être au monde en tant que corps. C’est désormais vers le corps vécu et non vers le concept du corps que nous nous tournerons pour en analyser les implications. Corps vécu aussi dans le monde politique à travers une analyse du pouvoir comme maîtrise des corps. C’est bien sûr vers la tradition phénoménologique, vers Husserl, Merleau-Ponty et Sartre que nous nous tournerons avant de terminer par un parcours des analyses de Foucault.



vendredi 26 avril 2013

Une vidéo conférence de Jean Salem : "Le Marxisme : Introduction"

UNE VIDÉO CONFÉRENCE DE JEAN SALEM

"Le marxisme : Introduction"

1. Bio-bibliographie de Karl Marx. —
2. Achat et vente de la force de travail (Capital, l. I, chap. 6) : la théorie de la plus-value. —
3. Le Manifeste du Parti communiste (1848) et la Préface à la Contribution à la critique de l’économie politique (1859). —
4. Les Manuscrits de 1844 : aliénation du produit du travail, du travail et de l’être générique de l’homme. — 5. La dévastation néolibérale. —
Conclusion : Actualité du marxisme


Pour voir la conférence cliquer sur le lien ci-dessous :

Le Marxisme : introduction

Sujer du Mardi 30 Avril 2013 : Comment réinventer la réfléxion ?




 Comment réinventer la réflexion ?
Métaphysique : ce qui n’est pas prouver en physique.
Si nous ne nous intéressons qu’à ce qui est prouvé, par les sciences et voulons (nous, « philosopheurs »), décider de leurs utilisations , applications, réglementations… d’éthique… Faisons de la politique, engageons-nous en tant que citoyens ! Passons à la pratique (logique) et arrêtons ces faux semblants. Les philosophes sont-ils seulement  des politiciens de salons qui ne s’engagent qu’à moitié parce qu’il n’y a pas de choix parfait ? Les erreurs ne sont-elles des actions ? Au préalable une volonté de changement avec une prise de risque indubitable et inéluctable car le risque zéro n’existe pas.
Alors que la « philosophie », c’est parler de tout ce qui nous fait douter, nos interrogations, des mystères et méandres de la vie, de questionnements par rapport à des problèmes réels dans un temps donné.
La philosophie doit nous aider à trouver des clefs dans tous les domaines. Elle est là pour nous donner de la force, nous construire une identité et mettre à bas tous les conditionnements, conscients ou inconscients que nous subissons ; apprendre et nous ouvrir l’esprit.
Si nous ne faisons qu’appliquer des méthodes « formelles » nous occultons le principal questionnement qui est le problème de l’appropriation de ces méthodes.
Chez Descartes, l'entendement figure parmi les façons de penser : la première consiste à apercevoir par l'entendement, et la deuxième consiste à se déterminer par la volonté. Pour Descartes, imaginer, sentir, concevoir des objets totalement intelligibles ne sont qu'une pluralité de manières d'apercevoir. Toutefois, l'entendement —au sens strict— signifie pour lui la faculté de connaître. L'entendement est ainsi un signe de pure conception ou d'intellection. Il est donc différent de l'imagination.

Dans la Critique de la raison pure, Emmanuel Kant définit l'entendement (Verstand) comme la faculté de créer des concepts. C'est donc une faculté active. L'Entendement va permettre la synthèse du divers, c’est-à-dire l'unification des données de l'intuition sensible en les ordonnant au travers des catégories.
Si nous pensons que refuser nos capacités réelles d’interprétations des phénomènes est la seule méthode viable, nous ne trouverons jamais le chemin de la progression vers les vérités encore inconnues.
Donnons nous la possibilité d’entrevoir, de saisir ne serait-ce qu’un moment des réalités encore irréelles à ce moment précis.
Fabriquons ensembles de nouvelles méthodes qui prendraient en compte toutes nos facultés, car si méthode philosophique il y a, qu’en est-il des milliers de méthodes de pensées à inventer que nous pourrions explorer ? Les condamner à ne pas « être », les jeter aux oubliettes car les classer comme « obscurantisme » ?
Nous devons trouver le sens dans chaque chose, sans sens tout est vouer à l’échec.
L’appropriation du sens est vitale, car sinon à brève échéance nous serions dépourvu d’affect… Ce qui ferait de nous des « sous-humains ».
L’humanité, l’humanisme, ces facultés qui nous rendent humains sont notre pensée (globalité) et notre intelligence.
Comment vouloir ne voir que la matérialité des choses  (qui est une idée fausse car tout n’est que représentations avant que la science ne nous prouve le contraire avec des nouvelles découvertes) et nous empêcher d’entre voir d’autres possibilités.
Nous devons dans notre démarche intellectuelle nous poser « le problème » dans sa globalité la plus absolue. Poser la complexité en introduction.
Notre recherche est dans le domaine de la métaphysique (contient de la physique pas encore avérée parce que la technologie n’est pas encore apte à la prouver).
Ou en serait la physique sans la recherche dans la métaphysique ?
Le langage verbal est physique et métaphysique : le fond c’est de la physique, la forme de la métaphysique.
Le fond c’est l’action : dormir, manger, marcher… C’est une valeur exacte, ce sont des verbes… les sujets aussi peuvent être des valeurs exactes, bien déterminés, mais les phrases qui les enrobent ne nous « apprennent »-elles rien de l’intentionnalité ? « Etre », « avoir », quand sont-ils employés ? t les verbes « ressentir », « percevoir », doit-on les occulter car c’est de la métaphysique ? Ne doit-on pas étudier ce qui est ?
Sans questionnement métaphysique où en serions-nous de l’évolution, des  inventions ? L’intelligence humaine ne se résume-t-elle qu’à une « vision » raisonnable et raisonnée ?
Qu’est-ce que cela implique ? Doit-on donner autorité à l’objectif et anéantir le subjectif ? L’extériorité contre intériorité ? La physique contre la métaphysique ?
Comment un tout, un ensemble dont le fonctionnement nous échappe encore peut-il être déchirer, démembrer pour n’en utiliser qu’une partie que nous avons juger plus compréhensible, plus dans nos normes, que l’on peut expliquer, démontrer, argumenter par a + b ? Ne devons-nous pas changer notre équation en y introduisant une inconnue ?
Devons séparer l’inventivité, l’imagination, la créativité de tout raisonnement raisonné et laisser toute cette richesse aux arts tels que la peinture, sculpture, musique ? Avec un raisonnement si terre à terre aurions-nous eu un « Léonard de Vinci » et j’en pense et des meilleurs… (lol)
La métaphysique est-elle ou doit-elle être notre ennemie car dès que l’on pense à elle, on pense religion, croyances diverses et variées ?
Ne confondons pas tout ou plutôt ne mélangeons pas tout, svp.
Parlons plutôt de ce qui nous intéresse ici, l’utilisation de nos capacités de ré-inventions, re-créations…
La métaphysique est-elle ou doit-elle être notre ennemie parce que le monde sensible n’est dirigé que par nos passions pour X raisons, dont notre incapacité à raisonner nos passions…
Hegel disait : « la passion de la tête, la tête de la passion » tout y est résumé. (Merci Aymé pour la citation). Ne nous apportait-il pas déjà une piste ? Une réunification, une globalité ré-unie et inséparable.
Que serait le raisonnement sans l’apport du ressenti ? Et le ressenti sans le raisonnement ?
Faut-il comprendre l’évolution (l’intelligence : raisonnement- pensée-réflexion) opposé à l’animalité (pulsions-intuitions) ?
Ne sommes-nous pas des animaux évolués (devenus humains) ou une évolution animale ?
Parlons un petit peu des surdoués :
« D’une perception sensorielle exacerbée, le surdoué ressent le monde tous sens en éveil. Il dispose de capacités des organes des sens très supérieures et très performantes.
Exemples : la vue, il voit mille et un détails avec une précision étonnante, il peut repérer aussi les détails d’une physionomie qu’il intègre dans son analyse de la personne ainsi détaillée ; l’ouïe, il entend des sons sur des fréquences très larges et peut écouter plusieurs sources sonores simultanément, et en récolter les informations. Et c’est ainsi pour tous les autres sens.
Tout ressentir et tout le temps, cette exacerbation des sens nommée hyperesthésie élargit la perception qu’il a du monde et exalte sa sensibilité.
 La personne surdouée est aussi particulièrement sensible à l’injustice. La perception aiguisée de son environnement l’amène à saisir des situations, souvent imperceptibles par les autres, dont l’analyse le conduit à en percevoir la moindre injustice. La recherche de la vérité devient une nécessité absolue.
Les peurs, celles du dehors et celles du dedans. L’enfant surdoué est fréquemment un enfant qui a peur. La réceptivité et l’activité émotionnelle permanentes  les engendrent.
L’empathie, un  sixième sens. Capacité à ressentir l’état émotionnel de l’autre, c’est-à-dire à avoir une réelle possibilité de le comprendre, de partager ce qu’il ressent. L’empathie permet de s’ajuster à l’autre, de communiquer de façon sincère. L’empathie se distingue de la sympathie qui est le sentiment positif que l’on éprouve à l’égard de quelqu’un d’autre.
L’ enfant surdoué dispose de cette capacité d’empathie. Il ressent avec une grande finesse l’état émotionnel de l’autre et y réagit spontanément. Sa perception émotionnelle de l’autre est instinctive. Elle pourrait être comparée à la perception animale.
La lucidité, l’association de l’hyperréceptivité émotionnelle et de la perspicacité intellectuelle donne à l’enfant surdoué une lucidité perçante sur son environnement.
-          Compréhension aiguisée et approfondie du monde,
-          Hypervigilance émotionnelle,… 
La prédominance du cerveau gauche. Dans nos sociétés occidentales, l’hémisphère gauche est le plus sollicité avec la nécessité de rationalisation et de la logique que celui-ci impose. Fonctions du langage, les raisonnements et développements logico-mathématiques, les capacités d’expression écrites… supposent une bonne exploitation et gestion des fonctions analytiques et séquentielles. L’hémisphère gauche on traite les informations de façon séquentielle, l’une après l’autre, dans un ordre logique. Cela suppose le traitement de chaque donnée indépendamment de la suivante, tout en l’y associant.
La prédominance du cerveau droit. L’hémisphère droit est sollicité dans les tâches non verbales : il traite les données sur un mode visuo-spatial. C’est la partie du cerveau en images. Toutes les informations sont trait »s simultanément et c’est l’approche globale qui donne le sens. Pour la compréhension de l’information, tout doit être intégré globalement et simultanément pour créer le sens.
Intuition, créativité, émotivité : quand le cerveau droit gouverne. C’est le siège de l’intuition qui est une source de compréhension du monde et de connaissances d’une richesse extraordinaire. Mais le plus souvent nous sommes incapables d’expliciter la démarche qui nous a conduits à cette compréhension, à cette solution, à cette idée. » Extrait de L’enfant surdoué de J Siaud-Facchin éditions Odile Jacob.
« Pour Platon, l'intuition est la saisie immédiate de la vérité de l'idée par l'âme indépendamment du corps.
Au contraire pour Épicure, l'intuition est la saisie immédiate de la réalité du monde par le corps indépendamment de l'âme.
Pour Descartes, l'intuition est la connaissance immédiate et certaine de la vérité d'une idée par sa nécessité intrinsèque, comme on le saisit dans les mathématiques et plus encore dans l'intuition que la conscience a d'elle-même d'être une « chose pensante » à travers l'expérience du cogito. « Il n’y a pas d’autres voies qui s’offrent aux hommes, pour arriver à une connaissance certaine de la vérité, que l’intuition évidente et la déduction nécessaire »[1].
Pour Spinoza, l’intuition est la connaissance immédiate et certaine de l'essence des choses à partir de la compréhension nécessaire de leur cause par la raison (Spinoza, Ethique, II, 40), c'est l'unique source de vérité qui s'oppose à la connaissance vague par le langage ou l'expérience corporelle.
Pour Bergson, c'est la saisie de l'esprit par lui-même au sein de la durée, qu'il définit comme « la sympathie intellectuelle ou spirituelle par laquelle on se transporte à l’intérieur d’un être pour coïncider avec ce qu’il a d’unique et par conséquent d’inexprimable ».
Pour Jean-Paul Sartre ; « Il n’est d’autre connaissance qu’intuitive. La déduction et le discours, improprement appelés connaissance, ne sont que des instruments qui conduisent à l’intuition. » On a du mal à imaginer ce que vaudrait une théorie de la justice qui rentrerait en contradiction avec nos intuitions concernant ce qui nous semble juste ou injuste. L'intuition est ainsi au début comme à la fin de toute entreprise philosophique car c'est par elle qu'en dernière instance, nous donnons notre assentiment à une thèse plutôt qu'à une autre.
Pour Henry, l'intuition est la propriété que possède la vie de se sentir elle-même hors de toute idée, représentation (phénoménologie matérielle) » WIKIPEDIA             
« L’émancipation de la Raison, de l’Humanité, projet des Lumières, aura laissé l’autorité à la seule connaissance positive (les sciences),  soit à ce que Kant appelait l’entendement en le distinguant soigneusement  de la Raison. L’entendement critique aboutit à un « désenchantement du monde » (Max Weber, Marcel Gauchet), soit à côté d’un positivisme scientiste, à un relativisme de toutes les valeurs, un nihilisme spirituel, à une démocratie réduite à un ensemble de procédures d’élection dont tout souffle ou tout âme s’est retiré, à un juridisme des droits qui n’a son fondement que dans le seul intérêt de l’individu possessif (dit « droit naturel », fondé sur sa survie, depuis Grotius, Hobbes et Spinoza). Ce monde triste, étouffant, uniformisant est un monde clos, sans ouverture pour respirer, recroquevillé sur lui-même, rapetassé sur sa consistance économique, technique, juridique et administrative, soit donc un processus se basant sur la seule logique d’entendement. L’aboutissement de cette logique civilisationnelle, ou de cet « esprit », est une bureaucratisation tatillonne de nos existences au motif de la libération et de la protection des citoyens ». Extrait d’un débat de l’Université Populaire d’Avignon par Philippe MENGUE, philosophe.
Beaucoup de philosophes ont aussi parlé et se sont intéressés aux processus d’inventivités de créativités, cela aussi  pourrait être étudié,  nous le laissons au bon plaisir des participants du café-philo.

lundi 22 avril 2013

LIVRES : La Nature humaine: une illusion occidentale

 Un bref ouvrage A LIRE ABSOLUMENT pour faire le point sur le concept de "nature humaine"


Marshall Sahlins
La Nature humaine: une illusion occidentale
Réflexions sur l’histoire des concepts de hiérarchie et d’égalité, sur la sublimation de l’anarchie en Occident, et essais de comparaison avec d’autres conceptions de la condition humaine 


 TEXTE INTÉGRAL ICI

Un extrait :

Depuis plus de deux mille ans, ceux qu’on appelle les «Occidentaux» ont toujours été hantés par le spectre de leur nature: à moins de la soumettre à quelque gouvernement, la résurgence de cette nature humaine cupide et violente livrerait la société à l’anarchie. La théorie politique de l’animal sans foi ni loi a souvent pris deux partis opposés: ou bien la hiérarchie, ou bien l’égalité; ou bien l’autorité monarchique, ou bien l’équilibre républicain; ou bien un système de domination idéalement capable de mettre un frein à l’égoïsme naturel des hommes grâce à l’action d’un pouvoir extérieur, ou bien un système auto-régulé où le partage égal des pouvoirs et leur libre exercice parviendraient à concilier les intérêts particuliers avec l’intérêt commun. Au-delà du politique, nous trouvons là un système métaphysique totalisant qui décrit un ordre naturel des choses: on retrouve en effet une même structure anarchique originaire entre des éléments qu’on ordonne soit à l’aide d’une hiérarchie, soit par l’égalité; ce système vaut aussi bien pour l’organisation de l’univers, que pour celle de la cité, et intervient même dans la conception de la santé du corps humain. Il s’agit d’une métaphysique propre à l’Occident, car la distinction entre nature et culture qu’elle suppose définit une tradition qui nous est propre, nous démarquant de tous les peuples qui considèrent que les bêtes sont au fond des êtres humains, et non que les humains sont au fond des bêtes. Pour ces derniers, il n’est pas de «nature animale» que nous devrions maîtriser. Et ils ont raison, car l’espèce humaine telle que nous la connaissons, l’homo sapiens, est née il y a relativement peu de temps dans une histoire culturelle de l’homme beaucoup plus ancienne. La paléontologie en témoigne: nous sommes, nous aussi, des animaux de culture; notre patrimoine biologique est déterminé par notre pouvoir symbolique. Notre esclavage involontaire aux penchants animaux est une illusion ancrée dans la culture.
Je m’inscris en faux contre le déterminisme génétique, si en vogue aux États-Unis aujourd’hui, et qui prétend expliquer la culture par une disposition innée de l’homme à rechercher son intérêt personnel dans un milieu compétitif. Cette idée est soutenue par les «sciences économiques» qui considèrent que les individus ne cherchent qu’à assouvir leurs désirs par un «choix rationnel», sans parler des sciences du même acabit, et pourtant si populaires, comme la psychologie évolutionniste et la sociobiologie qui font du «gène de l’égoïsme» le concept fourre-tout de la science sociale. Mais, comme Oscar Wilde le disait à propos des professeurs, l’ignorance est le fruit d’une longue étude. Oubliant l’histoire et la diversité des cultures, ces fanatiques de l’égoïsme évolutionniste ne remarquent même pas que derrière ce qu’ils appellent la nature humaine se cache la figure du bourgeois. À moins qu’ils ne célèbrent leur ethnocentrisme en prenant nos us et coutumes pour des preuves de leurs théories du comportement humain. Pour ces sciences-là, l’espèce, c’est moi.





mercredi 17 avril 2013

Mercredi 24 Avril 2013 : 900ième édition du café philsophique de Montpellier.

900 divisé par 52 = un certain nombre d'années et de semaines d'activité ininterrompue.

Le café philosophique de Montpellier est désormais le plus constant café philo de France (pas le plus ancien), mais celui qui n'a connu aucune interruption en 17 ans, semaine après semaine.

Mais quel est le secret ? Alors que partout autour de nous les structures s'effondrent, les clubs disparaissent, et que tout est volatil voire obsolescent, le café philo fait parler de lui ... encore.

On pourrait dire aussi qu'au delà du café philo il y a 2500 années  de philosophie et de philosophes que rien n'a renversé. Grecs et romains ont disparu, l'Inquisition est passée par là et a brulé des penseurs et leur œuvres, les régimes politiques ont changé, les guerres, les maladies, les famines .... rein n'a ébranlé l'exercice philosophique.

Alors 900 cafés philo au regard de cette histoire, on comprend bien que ce n'est rien. Rien d'autre que cette passion de desceller le mensonge, de traquer l'opinion, d'instiller le doute.

Les participants du café philo de Montpellier SONT le café philo. Au café philo il n'y a pas de grand timonier, de président à vie, de Monsieur le Professeur. Il y a une parole qui circule, elle est contemporaine et inactuelle, indignée et rationnelle, elle a des accents de tous les pays (mais la philosophie serait elle nationaliste ?), les mots de toutes les sensibilités.
Elle est parfois maladroite (mal à gauche aussi !), mais c'est une parole qui fait un effort. Un effort rare par les temps qui sont les nôtres : l'écoute de l'autre. Oh, pas l'écoute consensuelle, pas l'écoute guimauve. Une écoute qui passe au crible les incohérences parfois, les "prêts à penser" souvent, une écoute amicale au sens philosophique du terme c'est à dire au sens où l'on doit une exigence de qualité à son interlocuteur.

Certains s'en offusquent, d'autres prennent des morceaux de discussion comme lorsqu'on goute un plat. Certains s'en vont, d'autres résistent au "moi" qu'on égratigne.

Quelque aurait il déclaré que l’exercice philosophique doit conduire au consensus ? Silence dans la salle ! Car au fond le consensus en philosophie ne revient il pas à toute absence de débat .... philosophique ?

Bon, tout ça pour dire que Mercredi 24 avril cela fera 900 fois qu'il y aura encore des montpelliérains pour venir au café philo.

Comme nous ne savons pas si nous verrons le 901ième ou le millième on va en profiter pour renouer avec une antique tradition philosophique. Et oui les philosophes, grands et petits, doivent manger et boire pour penser. Alors ce soir là il y aura de tout (comme d'habitude me direz vous : "à boire et à manger" !), mais plus encore, des poèmes, des chansons, des lectures, et des choses qu'on n'imagine pas....

Créatrices, créateurs, copieuses, copieurs, lectrices; lecteurs .... c'est à vous que cette soirée est dédiée. Faites nous part de vos émotions, de vos coups de gueule, de vos gouts, proposez nous vos interventions et partagez les avec les autres. Dites nous aussi pourquoi, finalement, vous venez pratiquer la philosophie au café philo de Montpellier.

Nous prenons aussi vos productions alimentaires sous forme d'aliments salés (le café philo pourvoira au sucré !).

Soyez les bienvenu(e)s.

Et soyez à l'heure ! Mercredi 24/04/2013  20h30  Brasserie du Dôme.


( Sur un plan pratique, si vous souhaitez lire un texte d'auteur, un poème, chanter, jongler, peindre .... faites nous le savoir par mail afin que nous puissions organiser un peu la soirée)

Mail : cafe-philo@cafes-philo.com





lundi 8 avril 2013

Sujet du MARDI 16/04 : S’INDIGNER. ET APRES ?



S’INDIGNER. ET APRÈS ?

J’ai pensé à ce sujet le jour où j’ai appris la mort de Stéphane Hessel. J’avoue que je n’avais pas lu la brochure (une quinzaine de pages) qui l’a rendu célèbre et qui paraît-il s’est vendue par millions d’exemplaires (un vrai best seller !), qui a paraît-il exalté la jeunesse grecque, espagnole, américaine, au plus fort de la crise bancaire... Loin de moi l’idée de déprécier la valeur morale, l’honnêteté, de cet homme intègre  que je respecte pour une raison essentielle : parce qu’il est de ceux qui s’opposent de tout leur coeur et de toute leur intelligence, aux indifférents. Chose curieuse, quand je me suis rendu chez Sauramps pour acheter ladite brochure, j’ai trouvé juste à côté d’elle un livre de Gramsci dont le titre est: Pourquoi je hais l’indifférence.

Mais je ne voudrais pas que notre soirée se ramène à une critique ou à une défense de ce texte. Je dirais simplement : C’est un texte généreux, je partage son sentiment. Les sujets d’indignation, actuels et « historiques » sont innombrables. du nazisme au Rwanda, à la Palestine, la liste en serait interminable hélas (dont un sujet  qui ne figure pas dans le texte de Hessel : la bêtise (dont Flaubert fit en son temps un dictionnaire).: « Le motif de base de la Résistance était l’indignation, écrit Hessel, la violence tourne le dos à l’espoir, il faut lui préférer l’espérance, l’espérance de la non violence » Et de là s’ensuit le concept « d’insurrection pacifique ».  Et ce curieux titre du dernier « chapitre » : « Je ne désespère pas de la sagesse chinoise ».

Mais examinons d’abord le concept :
Aristote : Il fait la distinction entre colère et indignation (orgè, nemesis). Selon lui l’indignation supposerait l’absence de toute considération personnelle et la seule considération du prochain (la colère au contraire pour lui  c’est se venger publiquement d’un mépris manifesté à notre endroit, donc une affaire personnelle).

L’indignation s’oppose à l’indifférence. Et Gramsci justement dit que « l’indifférence est l’esprit de collaboration qui disculpe de toute responsabilité individuelle. Son contraire, l’indignation, c’est résister par la sensibilité, par l’intelligence et par l’imagination. Nous avons la sensibilité pour percevoir les souffrances du monde, l’intelligence pour les analyser, et l’imagination pour en montrer des solutions politiques » Je hais les indifférents dit-il encore, parce que « je pense que vivre c’est résister (...) à l’idéologie de la fatalité, cette apparence illusoire de l’absentéisme ».  Et il ajoute encore : « l’indignation aiguise l’intelligence ».  

La question est alors : Pourquoi y en a-t-il qui s’indignent et d’autres qui sont indifférents ? Hessel voit juste quand il dit s’adressant aux jeunes : « En vous comportant ainsi vous perdez l’une des composantes essentielles qui font l’humain ».

L’indignation n’existe pas sans son versant opposé : la pitié. On s’indigne sans être soi-même victime, étant spectateur de l’injustice. On se représente, on partage (en imagination), on ressent la souffrance de l’autre.

L’indignation n’existerait-elle que par la parole, la véhémence de la parole ?
On trouve un grand nombre d’indignés parmi les poètes et les écrivains. Voyez Dante, Voyez Agrippa d’Aubigné (Les Tragiques), voyez Hugo (Châtiments). Voyez Bayle (De la tolérance), Voltaire (L’affaire Calas, le chevalier de la Barre), Zola (J’accuse) etc...

ET APRES ?

Dans le texte d’Hessel on lit (on lie) : « L’indignation... et l’engagement qui en est la conséquence ». Le mot revient plusieurs fois : « Il faut s’engager au nom de la responsabilité de la personne humaine. ». L’engagement qu’il propose est l’engagement non violent (Gandhi, Mandela, Luther King). Il prône l’insurrection pacifique.

Mais qu’est-ce que l’engagement ? C’est passer d’une réaction spontanée (l’indignation) à l’action pratique, collective pour combattre l’iniquité, pour imposer la justice  L’insurrection ça s’organise. Hessel cite des organisations non politiques, des « mouvements sociaux : Attac, la FIDH, Amnesty. Leur efficacité ?

On bute alors sur la question de l’engagement, du militantisme politique. Quel « parti » prendre ? Qui corresponde à une conception de la justice sociale, à une vision utopique, un idéal qui défende les valeurs morales et humaines bafouées (les droits de l’homme) tout au long de l’Histoire. L’action politique. On a vu comment les idéaux peuvent être dévoyés.

L’indignation conduit certes à l’engagement, mais l’engagement (idéologique) à son tour peut conduire à l’aveuglement, à l’intransigeance, à l’intolérance qui étaient sources de notre indignation.

Une impasse ? L’indignation serait-elle stérile ? Condamnée à n’être qu’une réaction intellectuelle (d’intellectuels, écrivains, poètes, philosophes) qui ne pourrait dépasser les mots, la parole, l’éloquence du poème ou du pamphlet ? Les romantiques (Hugo), ont cru que la parole messianique avait pouvoir de changer le monde. On a dû déchanter. Au reste, y a t-il aujourd’hui une littérature engagée ?

Pire, l’indignation appliquée au social et au politique, et qui se manifeste alors sous une forme de rejet du modèle social et politique dans lequel on vit, ne risque-t-elle pas de déboucher justement sur le scepticisme, l’indifférence, l’absentéisme : Ecoeuré par les politiques (les politiciens), on ne fait pas (ou plus) de politique. On ne participe plus (absentéisme électoral). On ne croit plus à rien. S’indigner suffit pour apaiser sa conscience.

A moins que la « parole indignée » ne serve seulement à fabriquer des réfractaires ?
Qu’elle ait, à condition d’être entendue, un effet à retardement. Ce qui ne serait déjà pas si mal. Oui mais, la censure, le conformisme, le nivellement médiatique (on en a parlé ici) ? Mon sujet se mord la queue. 

Sujet du Merc. 23/03/2024 : Le cas Nietzsche.

                                   Le cas Nietzsche.       Pourquoi un tel titre ? Qui aurait l’idée de dire « le cas Diderot », ou « le c...