jeudi 25 décembre 2014

Les U$A verrouillent unilatéralement le cours officiel du dollar.

les Etats-Unis préparent la fin de la cotation des métaux précieux et verrouillent le cours officiel du dollar

Depuis ce 22 décembre 2014 la fluctuation des cours des métaux précieux, qui n'était pas vraiment libre d'interventions, est strictement encadrée sur les marchés états-uniens.

L'autorité de gestion des marchés à terme avait annoncé ces nouvelles modalités le 11 décembre, pour les deux marchés principaux que sont le COMEX (Commodity Exchange) et le NYMEX (New York Mercantile Exchange), au moyen de la règle n° 589 intitulée Special Price Fluctuation Limits (www.cmegroup.com/tools-information/lookups/advisories/ser/files/SER-7258.pdf). L'esprit de cette manœuvre est habilement noyé dans des complexités techniques, consistant en une savante grille de fluctuations autorisées en valeur absolue (et non pas en pourcentage), et pour des plages de prix différentes d'un métal à l'autre, puisqu'évidemment la même valeur absolue (100 dollars par exemple) ne représente pas du tout le même pourcentage de la valeur d'une once selon qu'il s'agit de cuivre ou de platine. Ainsi il n'est pas dit que la fluctuation maximale est de 20% pour tous les métaux, mais la lecture attentive de la grille montre par exemple que si le dernier cours de l'or était inférieur à 1000 dollars la fluctuation maximale autorisée (en plus ou en moins) est de 100 dollars, et si le dernier cours se trouvait dans la tranche de 1000 à 2000 dollars la fluctuation permise est de 200 dollars... la tranche maximale prise en considération par la grille étant celle, pour l'or, de 3000 à 4000 dollars (il n'y a pas de tranche ouverte vers le haut, type "4000 et plus"). Cette nouvelle règle laisse donc le lecteur de la grille libre d'imaginer ce qui se passera lorsque le cours de l'or atteindra 4000 dollars (guère plus du double du cours du 6 septembre 2011), à savoir fluctuation libre sans limite ou fermeture définitive des marchés, à moins que les autorités de régulation de la place d'échanges phare de l'économie de marché mondiale considèrent, et veuillent faire considérer, totalement inconcevable un doublement du prix de l'or, exprimé en dollars, par rapport au prix librement fixé par le jeu de l'offre et de la demande jusqu'aux manipulations monstres de septembre 2011. En-deçà de ce cours maximal pris en considération, dès qu'une fluctuation, par rapport à la dernière clôture, atteint la marge maximale autorisée, le marché est suspendu pour cinq minutes, puis rouvert à partir du cours de la dernière clôture journalière (cours de la veille), et c'est par rapport à celui-ci que se mesure la fluctuation maximale autorisée, alors élargie d'une unité supplémentaire ("additional increment", l'obscurité est intentionnelle), mais mesurée toujours par rapport au cours de fermeture de la veille, pas par rapport au cours précédant l'interruption de séance ; s'il faut interrompre le jeu de l'offre et de la demande deux ou trois fois on réouvre chaque fois au dernier cours de la veille, avec une autorisation de fluctuation élargie... sachant qu'une variation de 200 dollars pour une once d'or représente à peine une fluctuation de 17% par rapport au cours d'aujourd'hui, ou 3 dollars pour une once d'argent représente une fluctuation de 19% par rapport au cours d'aujourd'hui. Et si le même incident se répète quatre fois dans la même journée le marché est fermé jusqu'au prochain jour ouvrable ; et, sauf erreur dans l'entendement de la note, le prochain jour ouvrable (s'il y a...) démarrera au cours de l'avant-dernière journée de cotation, comme si l'emballement du jour précédent n'avait tout simplement pas eu lieu.
En d'autres termes, si vous voulez acheter ou vendre et qu'un équilibre possible entre offre et demande le permet, cela doit être dans le cadre de la marge de fluctuation autorisée et cette règle sera martelée quatre fois par jour, moyennant suspensions de séance, jusqu'à ce que vous acceptiez de négocier dans ces marges ou retiriez votre offre d'achat ou de vente. Les chiffres lors de l'entrée en vigueur du système correspondent à la deuxième tranche pour l'or et la première tranche pour l'argent, mais il n'est pas interdit qu'une progression considérée comme raisonnable, et donc autorisée, amène l'or à s'apprécier, par rapport au dollar, de 15% un premier jour, puis 15% le lendemain et ainsi de suite, donnant le temps aux autorités états-uniennes de prendre les mesures qui s'imposent.
Exit donc les vidéos alarmistes montrant en cinq minutes sur Youtube un enchaînement d'évènements de marché pouvant mener à l'effondrement total du dollar et de l'économie états-unienne en quelques heures, de l'aube à Tokyo jusqu'au crépuscule à Los Angeles. Désormais il faudra au moins quatre jours de cotation pour que le métal jaune retrouve ne serait-ce que son niveau d'avant les manipulations monstres.
L'organisation qui gère les marchés (CME ou Chicago Mercantile Exchange) se prépare évidemment à un défaut majeur et probablement imminent, concernant un métal significatif, sur le marché qui donne le la au niveau mondial. Il se couvre en limitant simultanément le libre jeu de l'offre et de la demande des principaux métaux, à savoir l'or, l'argent, le cuivre, le platine et le palladium, afin d'empêcher qu'un défaut sur l'or ne génère une ruée sur l'argent ou le platine, par exemple (l'épuisement des réserves de cuivre n'est pas imminente même si la Chine pourrait le laisser croire en stockant de quoi alimenter son industrie pendant plusieurs années), dont l'envolée montrerait alors ce que la fermeture du marché de l'or visait à cacher (que le dollar ne permet d'acheter plus que du sable).
Les Etats-Unis, quant à eux, préparent de toute évidence la fermeture définitive des marchés de métaux précieux. En 1944 ils ont fixé arbitrairement la valeur du dollar à 1/35° d'once d'or, ont fait pendant quelque temps le plein d'or à ce taux puis un jour de 1971 ont tout simplement, unilatéralement et en violation de traités internationaux (les accords de Bretton Woods qu'ils avaient concoctés pour se faire remettre l'or du monde), refusé de restituer l'or que les pays qui se croyaient amis leur avaient remis. Ils ont toléré ensuite l'existence de marchés d'apparence privée qui vendent au compte-gouttes, ou en tout cas qui n'ont pas été conçus pour les échanges de centaines ou milliers de tonnes nécessaires aux gouvernements et banques centrales, et à des taux fixés en théorie par le jeu du marché mais largement supérieurs à 35 dollars l'once, et plafonnés soudainement à 1927 dollars par une manipulation monstre juste une minute avant l'annonce de la capitulation de la Suisse (objet d'un ultimatum états-unien) le 6 septembre 2011. Ces marchés (COMEX essentiellement) ont pour fonction principale d'afficher une dépréciation fallacieusement modérée du dollar par rapport à l'or, et pour fonction secondaire, depuis cinq ans, de différer la révélation par la Chine de la faillite des Etats-Unis, au moyen de livraisons d'or au taux officiel, mais qui d'une part ne permettront pas d'épuiser les montagnes de dollars dont la Chine veut se défaire, et d'autre part se termineront incessamment, lorsque la baisse artificielle ne suffira plus à faire vendre les derniers détenteurs d'or du monde occidental ; sur ces marchés les cours sont dictés par les promesses de vente (donc justement les marchés à terme), représentant une centaine de fois le volume réel d'or disponible. Cependant si l'hyper-impression de dollars a été accélérée depuis 2011 la valeur véritable du dollar n'a pu que baisser. Les Etats-Unis ont cessé en 2006 de publier l'agrégat M3 de leur masse monétaire, fait unique parmi toutes les puissances économiques et scandaleux puisqu'ils prétendent conserver à leur monnaie le statut d'unique monnaie d'échange internationale tout en refusant de dévoiler combien est en circulation, mais selon la réserve fédérale de Saint-Louis la masse monétaire a de nouveau doublé depuis 2011... donc si un dollar valait vraiment 1/2000° d'once d'or en 2011 (en fait le dollar était déjà très surévalué) il en vaut arithmétiquement de l'ordre de 1/4000° aujourd'hui.
Cette opération est magnifique. Si les marchés s'étaient emballés, comme ils pouvaient le faire jusqu'à la semaine dernière, et sans parler d'hyperinflation ou d'hyperdévaluation mais simplement d'une multiplication ou division par cinq par exemple, le temps que les autorités réagissent (il faut parfois plus de cinq minutes) les marchés auraient pu être fermés (pardon, "cotations suspendues" indéfiniment) à la cotation de 10000 dollars pour une once d'or, signifiant une division par cinq de la valeur du dollar par rapport à 2011, ou dix par rapport à aujourd'hui, et ce chiffre serait entré dans les annales comme la dernière valeur plus ou moins librement établie du dollar par les marchés. Désormais les cotations seront temporairement suspendues dès que le dollar aura subi par rapport à l'or une dépréciation de 15% (quand l'or "augmente" de 17% le dollar baisse de 15%), et si cette dépréciation est confirmée quatre fois elle sera annulée et les marchés définitivement fermés sur la cotation de la veille, il n'y a aucun doute là-dessus. On pourra alors dire qu'il n'y a plus assez de métaux précieux disponibles à la vente pour justifier une salle de marché, laisser passer l'ire de la Chine qui déclarera ne plus pouvoir accepter de paiements en dollars (et la laisser continuer à vendre de l'or à Shangaï pour quelque montant en yuans que ce soit si elle veut), et annoncer au reste du monde que l'or "vaut" définitivement X dollars l'once, par exemple le cours de l'avant-dernière séance peut-être augmenté de 199 dollars s'il était dans la tranche des 1000 à 2000 dollars. La valeur du dollar exprimé en or deviendra donc une constante officielle, et absolument non représentative de l'impossibilité d'obtenir une once d'or pour quelque montagne de dollars que ce soit. Quelque temps plus tard on pourra tolérer l'ouverture au Chili d'une bourse du cuivre, métal important en termes de volumes, ou laisser les industries consommatrices traiter directement avec les mines productrices.
La "valeur" du dollar aura été verrouillée, pour ceux qui souhaiteront (ou seront forcés de) continuer à l'utiliser après l'incident métallique que la CME appelle "triggering event".
Delenda Carthago.

mercredi 24 décembre 2014

Sujet du MARDI 30/12/2014 : Comment nous donner les moyens de nos espérances ?



Comment nous donner les moyens de nos espérances ?

 « Mon bon monsieur, vous ne pouvez rien faire ! C'est comme ça ! Ainsi va le monde ! »
Vous la connaissez cette phrase n'est ce pas ? Celle de l'impuissance, celle de la résignation, celle du fatalisme.
Mais peut-être que si certain d'entre nous se sentent si impuissant c'est tout simplement parce qu'ils ne se posent pas les bonnes questions.
Il est plus facile de se demander pourquoi le ciel nous tombe sur la tête, plutôt que de se demander comment se mettre à l’abri. Si on réfléchi bien, une partie de la réponse se trouve dans la question.
Le « comment » détermine les mécanismes de notre société, les tenants et les aboutissants, ainsi que la façon de procéder pour obtenir un résultat donné.
Le pourquoi peut aboutir à des réponses toutes faites et mener à l'asile de l'ignorance dont parlait Spinoza.

Ce soir, c'est l'espoir qui nous anime, certes, c'est un mot un peu vague pour certains, mais au moins il a le mérite d'être le contraire du fatalisme. Après tout, c'est bien la dernière chose qu'il nous reste reste dans cette foutue boite de Pandore.
Le monde et les sociétés humaines sont régies par des forces en mouvement, il s'agit de comprendre leurs fonctionnements pour adapter notre comportement.
Et c'est justement parce que les choses évoluent qu'il nous est permis d'espérer.
Ensuite, vient la question du « moyen » que « nous » devons « nous donner ». La réponse sera donc collective, il « nous » faudra trouver une méthode que nous devrons utiliser pour nous organiser et changer la société, et si cela ne peut être fait, alors il nous faudra en construire une autre.
Les causes de notre sentiment d'impuissance sont multiples.
1/ La délégation des responsabilités par des processus subtils comme le vote et l'élection. Nous abandonnons nos moyens et par conséquent les espoirs qui vont avec.

2/ L'ignorance des pouvoirs dont nous disposons, comme par exemple le pouvoir de ne pas consommer tel ou tel produit, de ne pas utiliser sa carte bleue pour enrichir les banques. De préférer dans la mesure du possible tout les producteurs et distributeurs locaux pour être le plus indépendant possible.

3/ Le manque d'organisation : il est possible de nous concerter comme le faisaient les grecs à l'agora. Nous pouvons agir comme un seul homme pour sanctionner économiquement une pratique qui nuit à l'intérêt général.
D'autant plus que des outils comme Internet nous permettent justement de nous concerter, et de devenir nous même auteur de notre propre représentation du monde. (sans passer par les médias de masse)

4/ Je laisse a vos bons soins la possibilité de rallonger la liste...


Le monde dans lequel nous vivons est le résultat de milliers de générations. Mais déposer les sédiments de l'indépendance pour les transmettre à nos enfants pourrait au moins avoir le mérite de donner un sens à nos vies.
Si l'Homme, contrairement à l'animal à le pouvoir de créer, alors l'avenir ne fait pas que s'imaginer, il se construit.

J P

samedi 20 décembre 2014

Sujet du MARDI 23/12 : Faut-il qu'advienne le surhomme ?



         FAUT-IL QU’ADVIENNE LE SURHOMME ?

« Zarathoustra parla au peuple et lui dit : Je vous enseigne le Surhumain. L’homme est quelque chose qui doit être surmonté. Qu’avez-vous fait pour le surmonter ? » (Prologue 3 de Ainsi parlait Zarathoustra,  F. NIETZSCHE)

  

Les avancées scientifiques des prochaines années, notamment de la génétique et des neurosciences, devraient à terme rendre possible, et même probable, l’avènement d’une « humanité augmentée ». Nous entendons par ce terme, une humanité dont l’espérance de vie se trouverait sensiblement rallongée, les capacités physiques et intellectuelles décuplées ; une humanité qui ne serait plus concernée par la majeure partie des handicaps graves et maladies incurables qui l’affectent encore actuellement.

      Avec les progrès de la thérapie génique, il est aujourd'hui possible de séquencer un génome humain en quelques heures et pour quelques milliers d'euros, et de sectionner ou modifier des gènes « défaillants ». Autrement dit, on peut « reprogrammer » un être humain en réécrivant son ADN.

            Pour donner un exemple concret, on a récemment isolé le gène dit du « petit dormeur ». Selon les travaux des chercheurs de l'American Academy of Sleep Medecine (AASM), les personnes porteuses d'une mutation du gène BHLHE41 ont besoin de moins de 6 heures de sommeil pour se lever frais et dispos. On pourrait avec la thérapie génique inoculer cette mutation du « petit dormeur » à l'ensemble de la population. Chacun peut imaginer l'impact qu'aurait un temps de sommeil réduit à peau de chagrin sur ses relations sociales et ses activités...
       Nombres d'avancées dans des domaines tels que les nanotechnologies, la biomécanique (greffes d'organes et de membres...) ou les sciences cognitives pourraient aussi venir bouleverser nos façons de vivre dans des proportions inconcevables.
            Dans la vision nietzschéenne, le Surhomme, avant d'être un être doté de capacités physiques et mentales extraordinaires, et un être capable de s'affranchir d'un cadre moral qui tienne compte de ses semblables. L'Humanité désigne en effet cette reconnaissance fondamentale de l'Homme par l'Homme. Dans l'acception religieuse,  elle est fondée sur la reconnaissance mutuelle des « Créatures » issues d'un même « Créateur ».

     Pour Nietzsche, l'Homme se définit par ses limites, ses faiblesses, son contentement de soi, quand le Surhomme se définit par sa puissance démiurgique, notamment sur lui-même : « Es-tu le victorieux, le dominateur de toi-même, le maître de tes sens, le seigneur de tes vertus ? ».

            Partant du postulat que nos systèmes de valeurs sont organisés autour de nos limites humaines et de celles de nos congénères, les avancées scientifiques précédemment évoquées ne risquent-elles pas de créer un Surhumain, qui au faîte de sa Surpuissance, réelle ou imaginaire, ne s'encombrerait plus d'aucun cadre moral pour mener son existence ?
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Prochain sujet : ATTENTION :   Mardi 30 Décembre
                 Comment nous donner les moyens de nos espérances ?

samedi 13 décembre 2014

Sujet du Merc. 17/12/2014 : Trouver la vérité ou trouver le bonheur ?



          Trouver la vérité ou trouver le bonheur ?

Commençons par le commencement : Qu’est ce que la philosophie ? Le mot « philosophie » vient du grec ancien et veut dire « ami de la sagesse ». La sagesse peut s’entendre soit comme « savoir, connaissance » ou comme « vertu, morale ». Le sage est donc celui qui « sait » (ou plus exactement celui « qui aime le savoir »), et pratique une vie vertueuse. Cette première définition renvoie à deux orientations de la philosophie :
1 - La philosophie comme « art de vivre » : elle est tournée vers la quête du bonheur ou  vers l’éthique ou vers le sens de la vie. C’est un premier chemin.
2 – La philosophie comme « art de penser » : elle est tournée vers la quête du savoir, de la vérité, d’une méthode, ou tout simplement une façon de s’interroger sur le monde.
Laissons le premier chemin pour plus tard et engageons-nous dans le second, « l’art de penser ». C’est la voie de la connaissance.
Socrate, libre penseur, faisait usage de sa raison pour ne pas s’en tenir aux idées reçues, aux canons officiels. Emmanuel Kant nous l’indique aussi dans « Qu’est-ce que s’orienter dans la pensée ». Descartes et son « Discours sur la méthode ».
Encore des méthodes ? On peut citer la dialectique, la voie empirique, le pragmatisme… Mais pour quels résultats ?
Karl Jaspers  « On est d’accord ni sur ce qu’est la philosophie, ni sur ce qu’elle vaut(…). Pour quiconque croit à la science, le pire est que la philosophie ne fournit pas de résultat (…). Les sciences ont conquis des connaissances certaines, qui s’imposent à tous ; la philosophie, malgré l’effort des millénaires, n’y a pas réussi. » (Introduction à la philosophie).
2ème chemin :
Sénèque « La philosophie enseigne à faire, non à dire ».
Il n’y a pas si longtemps on considérait les philosophes de l’antiquité comme des théoriciens et seulement ainsi. On voyait en eux des auteurs de systèmes, des fabricants de concepts. Des hommes du discours, préoccupés uniquement de raisonner et d’argumenter. Des professeurs, des gens de bibliothèques. Rien d’autre. Finalement, on se représentait les philosophes de l’Antiquité sur le modèle des universitaires modernes : commentant les textes de leurs prédécesseurs, fondant des institutions, entretenant des polémiques. Ce n’est évidemment pas inexact, loin de là. Mais cette vue paraît aujourd’hui partielle, globalement mal orientée.
On redécouvre en effet que la philosophie constituait alors un mode de vie particulier. Elle impliquait certaines façons d’agir, imprégnait les gestes les plus quotidiens. Appartenir à telle ou telle école, s’efforcer de devenir stoïcien, épicurien ou cynique, n’était pas simple affaire de lectures ou de convictions intellectuelles. Tout le style de l’existence se trouvait concerné : manières de se nourrir, de se vêtir, comportement sexuel, attitude politique, relation aux autres et à soi-même.
Une large part de la philosophie ne résidait donc pas des livres. Elle consistait en un effort continu pour se modifier, à force d’exercices quotidiennement répétés.
Ces philosophes étaient bien ce que leur noms indique : chercheurs de sagesse. Voilà un dernier trait qui a fini par être largement perdu de vue, lui aussi. Du terme grec sophia et de son dérivé, sophos, un seul sens en était venu à dominer notre approche moderne : le savoir, et le savant. On oublie que, pour les Grecs, savoir et sagesse étaient un seul et même terme, deux faces indissociables d’une même réalité. Le savant et le sage, à leurs yeux, ne se distinguaient pas : ils n’avaient d’ailleurs, pour désigner les deux, qu’un seul mot, sophos.

ATTENTION LA SEMAINE PROCHAINE LE CAFÉ PHILO AURA LIEU EXCEPTIONNELLEMENT LE MARDI 23.


dimanche 7 décembre 2014

Sujet du 10/12/2014 : Il n'y a pas d'origine.



Il n’y a pas d’origine.

Les hommes sont mortels. Pour un individu, pour toute l’humanité, l’origine est la date de la naissance (pour certains un peu avant ….), leur fin, celle de leur mort.
C’est probablement cette constatation, comparable à tous les phénomènes de la nature, qui fit penser à tous qu’il y avait un « début », une origine. Mais penser ainsi pose plus de problèmes que cela n’en résout.   
 
D’abord il va falloir se pencher sur la question de l’Origine avec un grand O. Origine qui ne peut être que quasi miraculeuse et en tout cas extérieure à l’homme. Comment sont nés les montagnes et les mers, les plantes et les animaux ?
On a cru un temps à la « génération spontanée », mais au 19ième siècle c’était fini !
Dieu, la grande chimère, répondait à LA question. C’était lui le créateur. C’est ce que pensent encore des milliards d’êtres humains. Car le gros avantage de dieu (des dieux) c’est qu’il est là du début à la fin. Il préside à la vie (création), il est là lorsqu’on est plus.   
        
Avec l’idée de dieu (des dieux) l’homme peut se poser les questions de l’origine, du pourquoi, de la mort et ….. surtout il peut y répondre ! Le récit religieux vient encadrer le moment existentiel des mortels pour les rassurer. Il les inclut du même coup dans un destin bordé par la morale et le temps.
Affirmer, comme dans le titre de ce philopiste, qu’il n’y a pas d’origine c’est aller profondément à l’encontre des croyances dominants l’humanité. Et pourtant ce n’est qu’une paraphrase de ce qu’un philosophe grec a énoncé voici près de 2600 ans : Anaximandre.
Anaximandre ( vers -610, à – 546 de notre ère ) est né à Milet sur les rivages de la Turquie actuelle, c'est-à-dire à la confluence de l’Orient où les Babyloniens avaient fortement développés une astronomie très élaborée et de l’Occident encore tout imprégné de mythes fondateurs qui font intervenir une substance première, infinie, immortelle et divine enveloppant et gouvernant toute chose : l’Arché.

Anaximandre va reprendre ce terme d’arché, mais, première rupture, il va écrire en prose alors que toutes les explications du monde précédentes étaient en style poétique. De la théogonie on va passer à ce qui va devenir la conception grecque de l’univers pour des siècles.
Anaximandre rompt de manière radicale avec le mythe en ce sens qu’il démythifie la démarche généalogique de création de l’univers. Dès  lors la porte s’ouvre sur une nouvelle géométrisation du monde. A la question que se posait Thalès qui faisait reposer le monde (et la Terre) sur l’élément eau mais se demandait comment son océan tenait dans l’espace, Anaximandre répond que la terre flotte en équilibre au centre de l’univers et il ajoute que si elle demeure en repos à cette place, sans avoir besoin d’aucun support c’est parce qu’à égale distance de tous les points de circonférence céleste, elle n’a aucune raison d’aller en bas plutôt qu’en haut, ni d’un coté plutôt que de l’autre. Pour la première fois le cosmos est placé dans un espace mathématisé constitué par des relations purement géométriques.

Désormais on rentre dans la période de « l’histoire à travers la physique ». Au lieu de chercher une origine, une source, au cosmos ; un « primus motor » comme dira plus tard Aristote, Anaximandre va désormais utiliser le terme arché dans un tout autre sens. Pour lui point d’origine première ( de création dirions nous aujourd’hui ), l’origine est perpétuelle, et elle peut continuellement donner naissance à ce qui sera. La cause complète de la génération de tout sera nommée apeiron ( infini ou illimité ).  Il n’y a plus de point originel dans le temps.
La matière s’organise selon l’apeiron , cette organisation est présentée par lui comme une séparation de contraires :  « Ce d’où il y a génération des entités, en cela aussi se produit leur destruction, selon la nécessité, car elles se rendent les unes aux autres justice et réparation de leur injustice, selon l’assignation du Temps.[] ».
Éclaircissons cette phrase :
Les choses, les êtres n’existent que dans un flux de processus ininterrompus. Si nous prenons l’exemple d’un mortel. Il nait un jour, meurt un autre. Mais sa naissance est liée à l’existence préalable de millions d’êtres vivants dont il est inutile de chercher la « cause première » dans un dieu.
Penser à l’influence d’un dieu, à une volonté divine c’est, comme le dit si bien Spinoza, se réfugier dans « l’asile de l’ignorance ». Et la disparition du mortel n’est que la transformation de ses composés en d’autres composés qui, à leur tour, fourniront la matière première à l’univers pour refonder d’autres êtres.
La vraie question philosophique est le Comment, pas le Pourquoi.

Mais la vieille métaphysique reste aux aguets pour tirer en arrière tout le genre humain avec ses fables et ses mythes. C’est que l’enjeu est de taille. Au-delà de l’origine il y a la manière dont les hommes, une fois libérés de « leur créateur » peuvent se mettre à penser par eux-mêmes. Si les cieux sont vides de dieux prompts à nous punir, nous faire la morale, nous donner la vie et la mort ; plus personne n’a de pouvoir sur nous.

La naissance de la philosophie nait de ce moment unique.
Si l’ordre ne nait plus du divin, n’est  plus imposé par le destin, alors les hommes peuvent libérer toute leur puissance créatrice, grâce à la raison, pour penser le « vivre ensemble » (et la période d’Anaximandre est celle du début des cités grecques, la sortie de la pré-histoire). 

J P Vernant notera : « La basileia, la monarchia qui, dans le mythe, fondaient l'ordre et le soutenaient, apparaissent, dans la perspective nouvelle d'Anaximandre, destructrices de l’ordre. L'ordre n'est plus hiérarchique; il consiste dans le maintien d'un équilibre entre des puissances désormais égales, aucune d'entre elles ne devant obtenir sur les autres une domination définitive qui entraînerait la ruine du cosmos. Si l'apeiron possède l'arché et gouverne toute chose, c'est précisément parce que son règne exclut la possibilité pour un élément de s'emparer de la dunastéia. La primauté de l'apeiron garantit la permanence d'un ordre égalitaire fondé sur la réciprocité des relations, et qui, supérieur à tous les éléments, leur impose une loi commune. ».

Il fallait ce passage essentiel de la rupture avec la conception mythologique de l’origine pour que naisse cette pensée singulière qu’on nomme philosophie. Il fallait poser un principe en rupture totale avec le point de vue d’un mortel se regardant et regardant le monde. Ce furent, des siècles plus tard, ce que réalisèrent Bruno, Copernic, Galilée, Darwin.

Le cas d’Anaximandre équivaut pour le monde antique à la rupture que produisirent Copernic et Galilée à l’aube de la Renaissance face à la féodalité déclinante.
Les idées des hommes ne naissent pas de nulle part, Anaximandre, comme Copernic et Galilée vécurent à des périodes d’intenses mutations sociales et économiques. Le problème pour nous, 2600 ans plus tard, n’est il pas de renouer avec cette philosophie là ?  Celle qui dénonçait l’ordre comme fatalité ; l’injustice comme destin, et la Cause de Tout comme ayant source les mythes (littéralement mensonges, fables).

Ne nous faudrait-il pas en revenir à « l’origine » (le comment) de la philosophie !?



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Sujet du Merc. 23/03/2024 : Le cas Nietzsche.

                                   Le cas Nietzsche.       Pourquoi un tel titre ? Qui aurait l’idée de dire « le cas Diderot », ou « le c...