dimanche 28 juin 2015

Sujet du Merc. 01 Juillet : L'histoire : déterminisme ou destin.



                     L'histoire : déterminisme ou destin.

Il existe diverses manières de considérer le rapport que les humains entretiennent avec leur vie et l'enchainement des faits historiques et leur rôle dans ces derniers (liberté)

Les croyants et assimilés acceptent le destin comme décret de la Providence Divine. Dieu est la cause première qui détermine les causes secondes dans le sens du bien et du meilleur. Pour eux généralement il y a un début ( Au commencement était...) et une fin : l’Apocalypse. 

Bossuet, évêque de Meaux dans son discours sur L’Histoire Universelle, qui montre le rôle capital joué par Dieu au sein de la vie des hommes. Il éclaire ainsi le destin providentiel et atteste que l’injustice du sort n’est qu’apparente. Quant aux Jansénistes, le salut dépendait de la volonté et de la grâce de Dieu. Le mérite humain n’avait pas une grande part dans l’affaire. L’homme, corrompu par le péché, ne disposait plus des moyens nécessaires pour gagner seul son salut. Il restait un être déchu tant qu’il n’était pas touché par la grâce divine. Dieu choisissait ainsi ceux qu’Il voulait sauver.
Dans cette vision de l'histoire il est fait appel à la transcendance que l'homme ne peut atteindre Il est le jouet et entre sa naissance et sa mort et sa vie n'est qu'une "vallée de larmes".
La discussion "philosophique", tourne à la scolastique et à la théologie.

Pour ce qui est du déterminisme  la chose est plus complexe. Il y a un pas gigantesque entre les conceptions de Spinoza qui nous livre à un déterminisme absolu, et les philosophes matérialistes qui vinrent après lui. " Telle est cette liberté humaine que tous se vantent de posséder et qui consiste en cela seul que les hommes ont conscience de leurs appétits et ignorent les causes qui les déterminent." (Spinoza :Lettre à Schuller). pour lui, ignorants les causes qui nous meuvent nous ne pouvons pas accéder à la liberté; Etant entendu que ces causes relèvent de lois universelles, celles de la Nature.
On retombe ici dans une sorte de destin.

Mais vinrent les philosophes post-Hégéliens comme Marx et Engels, ainsi que les chercheurs qui bouleversèrent les conceptions du monde, comme Darwin.

Tout ne s'avérait aussi mécanique, mécaniste, linéaire. Le hasard et la nécessité s'entremêlaient donnant à concevoir une histoire mue doublement par le hasard et la nécessité.

« D’après la conception matérialiste de l’histoire, le facteur déterminant dans l’histoire est, en dernière instance, la production et la reproduction de la vie réelle. Ni Marx, ni moi n’avons jamais affirmé davantage. Si, ensuite, quelqu’un torture cette proposition pour lui faire dire que le facteur économique est le seul déterminant, il la transforme en une phrase vide, abstraite, absurde. La situation économique est la base, mais les divers éléments de la superstructure – les formes politiques de la lutte de classes et ses résultats, – les Constitutions établies une fois la bataille gagnée par la classe victorieuse, etc., – les formes juridiques, et même les reflets de toutes ces luttes réelles dans le cerveau des participants, théories politiques, juridiques, philosophiques, conceptions religieuses et leur développement ultérieur en systèmes dogmatiques, exercent également leur action sur le cours des luttes historiques et, dans beaucoup de cas, en déterminent de façon prépondérante la forme. Il y a action et réaction de tous ces facteurs au sein desquels le mouvement économique finit par se frayer son chemin comme une nécessité à travers la foule infinie de hasards (c’est-à-dire de choses et d’événements dont la liaison intime entre eux est si lointaine ou si difficile à démontrer que nous pouvons la considérer comme inexistante et la négliger). Sinon, l’application de la théorie à n’importe quelle période historique serait, ma foi, plus facile que la résolution d’une simple équation du premier degré. 
Nous faisons notre histoire nous-mêmes, mais, tout d’abord, avec des prémisses et dans des conditions très déterminées. Entre toutes, ce sont les conditions économiques qui sont finalement déterminantes. Mais les conditions politiques, etc., voire même la tradition qui hante les cerveaux des hommes, jouent également un rôle, bien que non décisif. ...

Il y a donc là d’innombrables forces qui se contrecarrent mutuellement, un groupe infini de parallélogrammes de forces, d’où ressort une résultante – l’événement historique – qui peut être regardée elle-même, à son tour, comme le produit d’une force agissant comme un tout, de façon inconsciente et aveugle. Car, ce que veut chaque individu est empêché par chaque autre et ce qui s’en dégage est quelque chose que personne n’a voulu. C’est ainsi que l’histoire jusqu’à nos jours se déroule à la façon d’un processus de la nature et est soumise aussi, en substance, aux mêmes lois de mouvement qu’elle. Mais de ce que les diverses volontés – dont chacune veut ce à quoi la poussent sa constitution physique et les circonstances extérieures, économiques en dernière instance (ou ses propres circonstances personnelles ou les circonstances sociales générales) – n’arrivent pas à ce qu’elles veulent, mais se fondent en une moyenne générale, en une résultante commune, on n’a pas le droit de conclure qu’elles sont égales à zéro. Au contraire, chacune contribue à la résultante et, à ce titre, est incluse en elle. 
C’est Marx et moi-même, partiellement, qui devons porter la responsabilité du fait que, parfois, les jeunes donnent plus de poids qu’il ne lui est dû au côté économique. Face à nos adversaires, il nous fallait souligner le principe essentiel nié par eux, et alors nous ne trouvions pas toujours le temps, le lieu, ni l’occasion de donner leur place aux autres facteurs qui participent à l’action réciproque. Mais dès qu’il s’agissait de présenter une tranche d’histoire, c’est-à-dire de passer à l’application pratique, la chose changeait et il n’y avait pas d’erreur possible. 
Mais, malheureusement, il n’arrive que trop fréquemment que l’on croie avoir parfaitement compris une nouvelle théorie et pouvoir la manier sans difficulté, dès qu’on s’en est approprié les principes essentiels, et cela n’est pas toujours exact. Je ne puis tenir quitte de ce reproche plus d’un de nos récents “ marxistes ”, et il faut dire aussi qu’on a fait des choses singulières. »
F. Engels - Lettre à Joseph Bloch 21-22 septembre 1890

"La liberté n’est pas dans une indépendance rêvée à l’égard des lois de la nature, mais dans la connaissance de ces lois et dans la possibilité donnée par là même de les mettre en œuvre méthodiquement pour des fins déterminées. Cela est vrai aussi bien des lois de la nature extérieure que de celles qui régissent l’existence physique et psychique de l’homme lui-même, - deux classes de lois que nous pouvons séparer tout au plus dans la représentation, mais non dans la réalité. 

La liberté de la volonté ne signifie donc pas autre chose que la faculté de décider en connaissance de cause. Donc, plus le jugement d’un homme est libre sur une question déterminée, plus grande est la nécessité qui détermine la teneur de ce jugement ; tandis que l’incertitude reposant sur l’ignorance, qui choisit en apparence arbitrairement entre de nombreuses possibilités de décision diverses et contradictoires, ne manifeste précisément par là que sa non-liberté, sa soumission à l’objet qu’elle devrait justement se soumettre. 

La liberté consiste par conséquent dans l’empire sur nous-mêmes et sur la nature extérieure, fondé sur la connaissance des nécessités naturelles ; ainsi, elle est nécessairement un produit du développement historique".     

 F. Engels dans L’Anti-Dühring

vendredi 26 juin 2015

Pétition : Non à la société sans cash !

A l'attention de Manuel Valls, Premier ministre


Monsieur le Ministre,

Insidieusement, de nombreuses mesures législatives ou réglementaires tendent à exclure les espèces de nos vies, à le rendre hors-la-loi.

De telles dispositions ont récemment été prises : renforcement des restrictions sur les paiements en espèces, limitation des retraits et dépôts d’espèces, contraintes sur les systèmes de paiements acceptés par les commerçants, mesures tendant à rendre obligatoires les paiements par cartes de débit ou de crédit, etc.

En tant que citoyens ordinaires et contribuables, nous nous opposons à l’instauration d’une société sans espèces qui consacrerait la disparition d’un droit fondamental : celui de la propriété de ce qui a été légitimement acquis.

Article 17 de la Déclaration universelle des droits de l’homme : 1. Toute personne, aussi bien seule qu'en collectivité, a droit à la propriété.
2. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa propriété.

En conséquence :

suite du texte ici : PÉTITION EN LIGNE

lundi 22 juin 2015

Sujet du Merc. 24/06 : UNE CROYANCE PEUT-ELLE ÊTRE UNE IDÉE ?



        UNE  CROYANCE  PEUT-ELLE  ÊTRE  UNE  IDÉE ?

-   Oui, elle est une idée authentique si elle est le résultat - et non la source, imaginaire et métaphysique - d’un processus réflexif basé sur des faits avérés et juste suffisants pour la produire (induction philosophique). Quant à la question de la source (les causes), il faut prendre en compte la manière (méthode) par laquelle les déterminations primordiales de la connaissance sont établies. Ainsi l’évidence intellectuelle de la certitude identifiable à la détermination matérialiste des causes (Spinoza) s‘oppose à la croyance floue, irréfléchie, imaginaire, illusoire, métaphysique.

-   Sinon, une croyance n’est pas une idée. Essayons d’argumenter cela. 
Si la philosophie comme science inductrice est matérialiste et vise la compréhension du monde tel qu’il est, alors elle a un rapport avec la recherche de la vérité (la connaissance). Par contre le caractère d’illusion de la croyance, lui, pose problème parce qu’il n’est pas aisément repérable. En effet la croyance a l’apparence du vraisemblable, mais sans la justification rationnelle pour la fonder. Elle est un jugement posé d’emblée avant toute connaissance. Elle n’est qu’un pré-jugé, un préjugé. C’est pourquoi la croyance est une menace plus grande que le mensonge et le faux. En effet, ceux-ci au moins ont la conscience de ce qu’ils sont.
La problématique est alors double, à savoir : 1) la croyance est-elle inconscience de son objet et 2) le doute philosophique est-il le remède aux leurres sophistiques de la croyance ?

1.  La croyance est suspecte parce qu’elle implique une coïncidence entre le sujet et la représentation qu’il se fait. Croire c’est adhérer à son objet, être en intimité et fusionner avec lui ; en un mot l’aimer. La croyance suppose ce laisser-aller, la paresse d’un emportement que le sujet ne peut interroger, évaluer et mesurer. Acquiescer c’est cesser de douter, cesser de questionner et donc de penser. La croyance de quelque chose c’est cela dès le premier instant. C’est l’abandon spontané tout à la fois de la pensée réflexive et de la liberté d’homme et, ainsi, de toute connaissance.
Or ce que Spinoza démontre pour le dénoncer comme croyance c’est l’illusoire libre arbitre que beaucoup imaginent comme produit d’une nature humaine qu’ils s’inventent. Alors que la liberté authentique s’acquiert par la recherche et par la connaissance effective ainsi obtenue des causes de la chose envisagée. Notamment visée à cet égard est la croyance des religions qui imprègnent les hommes, soi-disant à « l’insu de leur plein gré ». A savoir que l’immédiateté de la croyance fait l’impasse sur la prise de conscience d’elle-même et donc sur la volonté qui la fait naître. La croyance une fois acceptée, son auto-justification fait passer sous silence les intérêts du sujet que sa croyance permet ainsi de satisfaire.
Dès lors le croyant a bien du mal à expliquer les ressorts de sa croyance.  Au contraire de la croyance le mensonge et le faux, eux, ont le mérite d’être le résultat d’une volonté consciente et de l’exercice de la liberté d’un choix délibéré issu d’une pensée réflexive.

Ainsi le croyant est-il un inconscient ? A ce titre est-il privé, dès l’instant où il accepte la croyance, de la qualité humaine cardinale de raison qui en ferait un aliéné mental ou autre ? Ou y a-t-il au contraire chez lui au moins un soupçon de conscience et de volonté d’être de « mauvaise foi », caractéristique du mensonge et du faux ? C’est l’argument que Sartre opposa à la fantasque hypothèse de l’inconscient de Freud. Platon avait lui aussi déjà vu dans l’identification du faux comme faux le point de départ de la connaissance et de la philosophie.  En effet, mieux vaut savoir que l’on ignore que d’être complice d’un pseudo-savoir qui n’est que mensonge ; ce que je sais, c’est que je sais que je ne sais pas … grand’chose (inspiré de Socrate). Le crime du sophisme est de faire passer l’apparence pour la réalité et le vraisemblable pour la science, sans s’en référer aux faits pertinents. C’est là qu’on voit précisément que l’objet de la philosophie est celui de la science.
En bref la croyance est l’absence de distanciation, c’est la fusion avec son objet qui neutralise l’émergence de l’esprit critique. La superstition comme la vénération sont des phénomènes de fascination : le sujet est absorbé par l’objet de sa conviction. Il met en sommeil la réflexivité de la pensée qui est une des fonctions principales de la conscience, celle qui distingue les hommes des animaux. C’est cette pensée que n’ont pas les choses et les bêtes qui, elles, sont déterminées de nature telles qu’en elles-mêmes.

2.  Mais la croyance n’est pas qu’un repoussoir de la connaissance. Elle est bien plus. C’est un acte de compensation et de consolation, l’assurance d’un confort. C’est le plus grand risque de la condition d’homme : le danger est moins de « se tromper à son insu » que de trouver le confort dans l’illusion comme contraire de la reconnaissance du réel. C’est verser dans l’idéologie, le dogme et in fine le fanatisme. Celui que l’on voit prospérer alentour.
Il est rassurant de n’avoir pas à aller chercher plus loin que la conviction. La croyance s’accompagne d’une tendance à la fixation. Dogmatisme et fanatisme consistent en une position rigide de l’esprit qui se maintient sans se justifier dans la répétition des mêmes affirmations (« ce que je crois » !) qui sont entérinées par une obstination « imbécile » parce qu’irraisonnée. C’est une impasse, le refus de penser et le contraire de la méthode de Descartes. In fine la fixation des convictions conduit à leur sacralisation qui détermine par réaction des actes meurtriers, tout en occultant les intérêts des croyants prétendument à l’insu de leur volonté …

3.  Réunissant les deux problématiques, on voit que les croyances pèsent sur la recherche de la connaissance des choses du monde, mais aussi et surtout sur la réalisation de la liberté. Les effets de l’une et de l’autre conduisent aux meurtres les plus irrémissibles. Quel paradoxe est en effet plus criminel que celui des croyants soi-disant « bien intentionnés » qui travaillent à la réalisation de leurs confort et intérêt personnels. La veule accoutumance à la croyance dispense l’individu de l’effort réflexif qui en ferait un homme s’il recherchait les racines et causes suffisantes de ses convictions. C’est ce que Spinoza identifia à la liberté authentique, celle qui se gagne à chaque instant dans les actes contrairement à l’illusion d’un libre arbitre de nature dont beaucoup font la croyance continue d’une existence vide.


lundi 15 juin 2015

Sujet du Merc. 17 juin : Le peuple vote donc le peuple est responsable ?



                  Le peuple vote donc le peuple est responsable ?

« La démocratie n’est pas dans l’origine populaire du pouvoir, elle est dans son contrôle. La démocratie, c’est l’exercice du contrôle des gouvernés sur les gouvernants. Non pas une fois tous les cinq ans, ni tous les ans, mais tous les jours. » (Alain)

"Il suffit que le peuple déçoive les élites pour que son incapacité soit suggérée sinon accusée. On a vu poindre le verdict avec le référendum sur l’Europe de 2005. Il faut bien croire que l’enjeu était à la portée de tout le monde puisqu’il était soumis à référendum. La classe politique et médiatique l’approuva d’ailleurs à 90 % environ. Quand les électeurs s’avisèrent de donner une majorité au « non », il fallut que cette majorité n’eût pas compris pour rejeter le texte. 
Trop long, découvrit-on d’ailleurs, mal rédigé, etc… Personne n’avait pu le lire, sous-entendu ceux qui avaient voté « non ». Et les commentaires de retrouver tous les clichés de la psychologie des foules pour disqualifier un peuple inculte, émotif et trompé . Il s’était d’ailleurs si bien trompé qu’on ne le fit pas voter à nouveau comme dans quelques pays voisins mais qu’une nouvelle mouture du texte désignée comme traité de Lisbonne fut ratifiée par le parlement. Le référendum a peut-être reçu un coup mortel dans ce tour de passe-passe où les élites ont démontré qu’elles y voyaient une procédure de ratification de leurs décisions. 

Pourtant, les mêmes dirigeants stigmatisent ensuite l’incivisme des abstentionnistes : forcément une manifestation de légèreté politique. Il n’est pas si facile d’avoir un peuple à sa convenance, assez actif pour voter mais voter bien, s’intéresser à la politique mais modérément. La crainte des foules révolutionnaires d’antan a disparu mais le peuple est demeuré infantile puisqu’il déçoit toujours les élites. Trop passif ou trop actif, jamais tout à fait à la hauteur.

Bien sûr, ils ne le disent pas dans la presse car ils sentent le risque d’avouer leur préjugé d’un peuple mineur. Ce serait en contradiction avec leurs besoins de sondés conscients et informés que la représentativité des échantillons assimilent à toute la population. Ils en ont trop besoin pour paraître les mépriser. 

Ils avouent donc mezza voce leur piètre idée de la compétence des citoyens. En privé par contre, ils ne se gênent plus pour dire qu’ils ne comprendraient pas. Éternelle schizoïdie des marchands qui flattent leurs clients et les méprisent à la fois

lundi 8 juin 2015

Sujet du Merc. 10 Juin : intelligence ou diplôme ?



                        INTELLIGENCE OU DIPLÔME ?

« Je n’hésite jamais à le déclarer, le diplôme est l’ennemi mortel de la culture. Plus les diplômes ont pris d’importance dans la vie (et cette importance n’a fait que croître à cause des circonstances économiques), plus le rendement de l’enseignement a été faible. Plus le contrôle s’est exercé, s’est multiplié, plus les résultats ont été mauvais. Mauvais par ses effets sur l’esprit public et sur l’esprit tout court. Mauvais parce qu’il crée des espoirs, des illusions de droits acquis. Mauvais par tous les stratagèmes et subterfuges qu’il suggère ; les recommandations, les préparations stratégiques, et, en somme, l’emploi de tous expédients pour franchir le seuil redoutable. C’est là, il faut l’avouer, une étrange et détestable initiation à la vie intellectuelle et civique.
D’ailleurs, si je me fonde sur la seule expérience et si je regarde les effets du contrôle en général, je constate que le contrôle, en toute manière, aboutit à vicier l’action, à la pervertir… Je vous l’ai déjà dit : dès qu’une action est soumise à un contrôle, le but profond de celui qui agit n’est plus l’action même, mais il conçoit d’abord la prévision du contrôle, la mise en échec des moyens de contrôle. Le contrôle des études n’est qu’un cas particulier et une démonstration éclatante de cette observation très générale.
Le diplôme fondamental, chez nous, c’est le baccalauréat. Il a conduit à orienter les études sur un programme strictement défini et en considération d’épreuves qui, avant tout, représentent, pour les examinateurs, les professeurs et les patients, une perte totale, radicale et non compensée, de temps et de travail. Du jour où vous créez un diplôme, un contrôle bien défini, vous voyez aussitôt s’organiser en regard tout un dispositif non moins précis que votre programme, qui a pour but unique de conquérir ce diplôme par tous moyens. Le but de l’enseignement n’étant plus la formation de l’esprit, mais l’acquisition du diplôme, c’est le minimum exigible qui devient l’objet des études. Il ne s’agit plus d’apprendre le latin, ou le grec, ou la géométrie. Il s’agit d’emprunter, et non plus d’acquérir, d’emprunter ce qu’il faut pour passer le baccalauréat.
Ce n’est pas tout. Le diplôme donne à la société un fantôme de garantie, et aux diplômés des fantômes de droits. Le diplômé passe officiellement pour savoir : il garde toute sa vie ce brevet d’une science momentanée et purement expédiente. D’autre part, ce diplômé au nom de la loi est porté à croire qu’on lui doit quelque chose. Jamais convention plus néfaste à tout le monde, à l’Etat et aux individus (et, en particulier, à la culture), n’a été instituée. C’est en considération du diplôme, par exemple, que l’on a vu se substituer à la lecture des auteurs l’usage des résumés, des manuels, des comprimés de science extravagants, les recueils de questions et de réponses toutes faites, extraits et autres abominations. Il en résulte que plus rien dans cette culture adultérée ne peut aider ni convenir à la vie d’un esprit qui se
développe ».
Extrait de Paul VALÉRY, in Le Bilan de l’intelligence, 1935
Alors alors, que dire de plus après la lecture de ces propos de Paul VALÉRY ?
Paul VALÉRY, en 1935, un écrivain, poète et philosophe reconnu, dont les poèmes étaient étudiés jusqu’à Tokyo, en français, par des étudiants… qui lisaient et apprenaient par cœur « Le cimetière marin », pour le plaisir !
RABELAIS et MONTAIGNE critiquaient l’université comme NIETZSCHE et tant d’autres le feront par la suite, trouvant destructeurs les méthodes académiques ou normalisées. Lorsque Dick MAY officialisera l’École de journalisme avec un diplôme d’État, pour une carte emprisonnant un métier de plus, à la demande du député BRACHARD, le journal l’Illustration écrira :
« L’École des Journalistes risque fort d’être
une nouvelle succursale de la grande École des ratés ».
Le diplôme ne donne pas la certitude de la qualité du récipiendaire, surtout quand les études sont orientées vers la médiocrité et l’uniformisation, voire l’endoctrinement.
Les écoles sont davantage des centres de formatages avec le danger toujours plus réel des « tricheries » ou des « achats », voire des « complaisances » pour accrocher une liste de performances valorisantes en politique notamment.
Combien de notables ou de politiques se bâtissent des listes de diplômes afin de s’imposer face aux crédules pour régner ?
Le diplôme n’est pas une preuve certaine de valeurs humaines ou de connaissances professionnelles…
Oui, un médecin au diplôme jauni, accroché dans son cabinet, est-il un bon médecin ? A t-il été honnête dans ses études ? Et quelle gloire pour un médecin diplômé quand il exerce « son art » dans un camp, ou qu’il devient accusateur public, juge et bourreau à Cuba ; ou lorsqu’il signe ses livres du nom de Louis Ferdinand CÉLINE ? Il y a l’honnêteté, et la grandeur d’âme qui doit s’associer à toute connaissance.
Ce qui semble important, c’est la nécessité d’apprendre, et de chercher toujours d’avantage le savoir, sans s’enfermer dans des vérités étatiques ou religieuses.
Le diplôme ne doit pas être au service d’une politique, d’un système, d’une religion.
Il y a donc l’intelligence…
C’est alors que l’intelligence prend de l’importance : la capacité à observer, discerner, à critiquer.
Il y a l’art d’apprendre en accueillant le fait que comprendre n’est pas naturel.
L’intelligence de savoir dire « non ».
L’intelligence de remettre une certitude en question…
Ingurgiter des données pour les restituer à un jury, n’est pas un signe d’intelligence.
L’art de la critique comme l’inquiétude face à l’inconnu est plus subtil, mais davantage audacieux que le hochet qui rassure, ou la vérité d’un diplôme qui enferme.
Et enfin, que penser face à tout diplôme, de l’intelligence du cœur ?

Sujet du Merc. 23/03/2024 : Le cas Nietzsche.

                                   Le cas Nietzsche.       Pourquoi un tel titre ? Qui aurait l’idée de dire « le cas Diderot », ou « le c...