dimanche 1 mai 2016

Sujet du MARDI 03 Mai 2016 : Le temps n’existe pas.



                                                        Le temps n’existe pas.

« ... le temps est un effet de notre ignorance des détails du monde. Si nous connaissions parfaitement tous les détails du monde, nous n'aurions pas la sensation de l'écoulement du temps. » (Carlo Rovelli – in : Et si le temps n’existait pas - 2012 ».
Chaque jour, l'homme perçoit, éprouve même, le temps qui passe. Les horloges, les réveils et les montres omniprésents et égrenant les secondes. Les enfants qui grandissent. Ou les rides aux coins des yeux. Tout, absolument tout, semble justifier sans discussion possible l'existence implacable du temps et de ses effets.
Vraiment ? Pour celui qui voyage peu, la terre ne semble-t-elle pas plate, ornée de quelques bosses et creux ? L'idée d'une terre ronde avec « dessous » des gens qui marchent « la tête en bas » sans « tomber », n'est-elle pas également contraire à l'intuition ? Et que dire de cette terre qui tourne autour du soleil alors que nous voyons tous et chaque jour, le soleil se « lever » à l'Est et se « coucher » à l'Ouest ?
L'histoire de la science a confirmé ce que les philosophes grecs avaient déjà compris il y a plus de 2500 ans : nos sens peuvent nous tromper ; il est nécessaire d'aller au-delà de la perception sensible immédiate pour accéder à la vérité

L'illusion du temps qui passe

Depuis Einstein, l'humanité sait qu'il y a un hic au tic-tac de nos pendules : le temps est relatif. Il ne s'écoule pas partout de la même manière. Plus la vitesse de déplacement est grande ou la gravité forte, plus l'écoulement du temps ralentit. Par exemple : si deux horloges atomiques (les plus précises à l’heure actuelle) sont déclenchées simultanément, puis que l'une reste sur la terre ferme alors que l'autre part faire un tour en avion afin de s'éloigner de 10 km de la masse de la terre et de sa gravité, alors les cadrans indiqueront deux résultats différents, celle qui s'est momentanément éloignée aura « vécu » moins longtemps de quelques milliardièmes de secondes que son homologue.

Le temps n'est donc pas ce tic-tac régulier, immuable et implacable. «« ...nous ne mesurons jamais le temps lui-même. Nous mesurons toujours des variables physiques A, B, C,… (oscillations, battements, et bien d’autres choses), et nous comparons toujours une variable avec une autre. Et pourtant, il est utile d'imaginer qu'il existe une variable t, le 'vrai temps', que nous ne pouvons jamais mesurer, mais qui se trouve derrière toute chose. [...] Plutôt que de tout rapporter au 'temps', abstrait et absolu, ce qui était un 'truc' inventé par Newton, on peut décrire chaque variable en fonction de l’état des autres variables […]. Tout comme l’espace, le temps devient une notion relationnelle. Il n’exprime qu’une relation entre les différents états des choses. » Carlo Rovelli – op. cité. Autrement dit, l'Univers est constitué d'interactions permanentes, d'une série infiniment complexe de causes et d'effets. A modifie B qui modifie à son tour C mais aussi peut-être A lui-même, etc. 

Ainsi l'Univers est en mouvement, se modifie sans cesse et ce sont ces changements, ces interactions que nous percevons. Seulement, notre existence se déroulant avec peu de variables fondamentales, toujours sur terre ou à proximité et à des vitesses extrêmement modestes comparées à celle de la lumière, toutes ces interactions nous apparaissent comme dictées selon une composante physique de l’Univers que l'homme a appelé « le temps ». A notre échelle, le tic-tac de la pendule est imperturbable ; nous ne percevons jamais les différences de quelques milliardièmes de seconde qui peuvent intervenir ici ou là sur terre selon notre vitesse de déplacement ou notre altitude. Newton lui-même a intégré cette notion « temps » comme une composante fondamentale de l'ensemble de sa physique. Seulement, ce que nous dit Carlo Rovelli c'est que, lorsque nous observons le pendule de l'horloge se balancer, nous avons l'illusion d'observer l'écoulement de « secondes » alors que nous ne faisons que mesurer un enchaînement d'interactions au sein du mécanisme de l'horloge. Et c'est pourquoi la physique moderne peut se passer intégralement de la notion « temps » au sein de ses équations : « au lieu de prédire la position d'un objet qui tombe 'au bout de cinq secondes', nous pouvons prédire sa chute 'après cinq oscillations du pendule'. La différence est faible en pratique, mais grande d'un point de vue conceptuel, car cette démarche nous libère de toute contrainte sur les formes possibles de l'espace-temps » (Carol Rovelli – Op. cité).

Dynamisme de la connaissance et relativisme

De la conception d'un univers en constante évolution constitué d'une série d'interactions d'une infinie complexité découle une vision dynamique de la science et de la vérité. Si l'Univers est en mouvement, pour le comprendre la pensée doit l'être aussi. Carlo Rovelli s’inscrit donc en faux contre une vision figée de la science, qui établirait des vérités absolues et éternelles. Au contraire, pour lui, « La pensée scientifique est consciente de notre ignorance. Je dirais même que la pensée scientifique est la conscience même de notre grande ignorance et donc de la nature dynamique de la connaissance. C’est le doute et non pas la certitude qui nous fait avancer. C'est là, bien sûr, l'héritage profond de Descartes. Nous devons faire confiance à la science non parce qu'elle offre des certitudes mais parce qu'elle n'en a pas » (C. Rovelli – Op. cité).

Mais cette approche relative de la vérité et de la science ne signifie nullement que Carlo Rovelli tombe dans le relativisme. Bien au contraire. Il montre dans quelles aberrations mène le relativisme en prenant l’exemple des États-Unis où le créationnisme fait d’énormes dégâts, en particulier dans l’enseignement : « Ces visions déformées de la science ont pour conséquences une diminution de son aura et la pensée irrationnelle gagne du terrain… Aux États-Unis par exemple (le Kansas ‘rural’ mais aussi la très civilisée Californie), les enseignants n’ont pas le droit de parler correctement de l’évolution à l’école. Les lois qui interdisent d’enseigner les résultats de Darwin sont justifiées par le relativisme culturel : on sait que la science se trompe, et donc une connaissance scientifique n’est pas plus défendable qu’une connaissance biblique. Interrogé récemment sur ce sujet, un candidat à la présidence des États-Unis a déclaré ‘qu’il ne savait pas si les êtres humains ont vraiment des ‘ancêtres communs’. Sait-il seulement si c’est la terre qui tourne autour du soleil ou le soleil qui tourne autour de la terre ?» 

Plus généralement : « L’obsession scientifique de remettre toute vérité en question ne mène pas au scepticisme, ni au nihilisme, ni à un relativisme radical. La science est une pratique de la chute des absolus qui ne tombe pas dans le relativisme total ou le nihilisme. Elle est l’acceptation intellectuelle du fait que les connaissances évoluent. Le fait que la vérité puisse toujours être interrogée n’implique pas que l’on ne puisse pas se mettre d’accord. En fait la science est le processus même par lequel on arrive à se mettre d’accord » ( C. Rovelli – Op. cité).

La connaissance indispensable de l’histoire de la science et de la philosophie,  permet donc- non pas seulement-  de passer du bon « temps » mais aussi de nourrir la réflexion critique.

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