lundi 31 octobre 2016

Sujet du Mercredi 2/11 : Hollywood a-t-il influencé le cinéma mondial ?

          Hollywood a-t-il influencé le cinéma mondial ?   

Le cinéma comme le théâtre ou le roman repose sur une convention artistique très large, puisqu'il repose normalement sur une liberté la plus total en nous comptant une histoire inventé.
Il fait appel donc aux besoins de l'être humain de se distraire et une curiosité raisonnable crédible. Les évènements et les personnages seront imaginaires mais ne doivent pas pour autant être irréels pour que la fiction fonctionne. Il est donc nécessaire que le spectateur puisse adhérer à l'histoire en donnant une impression de réalité.

Sachant que le cinéma est un art très cher dans sa réalisation et qu'il reste très majoritairement sanctionner par le marché et donc le succès public, il devient utile d'étudier comment la majorité des films sont écrits. Quels sont les règles et les ficelles de la narration que l'on va pouvoir dégager dans une discipline qui existe depuis un peu plus d'un siècle ?
Peut-on craindre une vulgarisation et une facilité d'une industrie qui cherchera à plaire au plus grand nombre ?
Est-ce que la démarche commerciale du cinéma va détruire la création artistique ?

Hollywood est bien le cinéma dominant dans la production globale, très loin devant toutes les autres nations, surtout en regard à sa capacité d'exportation considérable qui se constate depuis l'invention de cet art.
La question globale étant posée, on peut observer qu'il existe belle et bien des similitudes et des principes que l'on va constater dans 90 % de la production mondiale.
  • La durée d'un film est de 90 minutes, bien pratique pour la rentabilité de la diffusion en salles, donc impératif commerciale.
  • Le synopsis qui résume l'idée du film et intéresser un producteur doit pouvoir être lu en 30 secondes et ne doit faire que quelques lignes.
  • Le scénario doit obéir à des règles extrêmement précises quelques soit le genre : comédie, policier, ou drame psychologique. La première est que l'intrigue principale qui doit être exposée dans les 5 premières minutes du film.
Tous les personnages principes qui vont jouer un rôle dans l'intrigue doivent apparaître dans les dix première minutes.
Dans les 15 dernières minutes doit apparaître un « coup de théâtre » qui repose en générale sur l'inversion du sens de la narration. (Tous les indices portaient à croire que Peter était le meurtrier et on découvre que c'est Margarèthe....).
  • Dans la narration le déroulement de l'action doit impérativement éviter la redondance. A savoir : Toutes informations décrites par les images ne doivent pas être dits ou décrites par les personnages. Tous ce que disent les personnages ne doivent pas être montrés dans les images.

  • Pour mieux capter un public facilement le spectateur doit très rapidement s'identifier complètement aux héros. C'est évident dans le film d'action mais on retrouve ce principe dans les autres genres.
  • Le héros solitaire est plus fort que le système forcément pervers, les institutions trop confuses, l'administration tatillonne, voire une dérive très grave de ce principe ou la violence sera présentée comme seule réponse à ses problèmes.

Une grande partie du cinéma dit commercial va se plier à ces règles contraignantes mais également de grands réalisateurs tel que : Woody Allen (l’homme irrationnel, coup de feu sur Broadway), Arnaud Déplechin (roi et reine), Robert Altman( the player), Sydney Lumet ( 12 hommes en colères), Bertrand Tavernier(L 627), Chaplin (les lumières de la ville), Martin Scorcèse

Mais on peut aussi trouver des exceptions grâce à des metteurs en scène géniaux qui peuvent s'affranchir des règles : Tarentino (Pulp Fiction), David Fincher (Zodiac, Social Network, Gone Girl), Felini (8 et demi, le Néo réalisme), Jean Luc Godart, Bertrand Blier ( les valseuses. Buffet Froid), Steven Soderberg (Traffic)


Mais la question reste ouverte et j'attends vos impressions.

vendredi 28 octobre 2016

DU NOUVEAU DANS LES SCIENCES DE L'HOMME.

« Nous sommes intelligents parce que nous sommes des êtres sociaux »


source : http://www.investigaction.net/24833/

hoebeke-van-duppen
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On sait qu’être social est meilleur et plus humain. Mais, dans leur livre qui vient de paraître, Dirk Van Duppen et Johan Hoebeke le démontrent à travers les dernières découvertes scientifiques. Lesquelles envoient à la poubelle la thèse néolibérale selon laquelle l’homme est un compétiteur individualiste par nature. Au contraire, si l’être humain a pu réussir en tant qu’espèce, c’est parce qu’il collabore et échange avec les autres. 
« En tant qu’êtres humains, nous sommes super-empathiques, super-sociaux et, de ce fait, également super-collaborateurs, faits pour travailler ensemble. » C’est ainsi que le Dr Dirk Van Duppen, médecin et président de Médecine pour le Peuple, et Johan Hoebeke, biologiste spécialiste de la théorie de l’évolution et ancien chercheur au CNRS, résument l’essence de leur livre. « On a en effet découvert que la sélection naturelle s’est opérée sur ces caractéristiques-là. En outre, notre intelligence humaine a évolué de pair avec nos caractéristiques d’être super-social. C’est important, car c’est cela qui nous donne cette intelligence humaine unique. C’est parce que nous sommes des machines à apprendre sociales, et donc que nous pouvons développer notre connaissance collective, que nous avons eu la capacité de peupler le monde entier, et de transformer l’environnement en fonction de nos besoins biologiques. »

Ces dernières années, la science a connu un certain nombre de découvertes étonnantes. Lesquelles ont rectifié radicalement la connaissance de l’être humain ?


Johan Hoebeke. Une première percée s’est opérée dans la biologie moléculaire. Dans les années 1980 jusqu’aux années 1990, en fait jusque 2003, tout était centré sur la génétique. On pensait que tout pouvait s’expliquer par l’ADN : ce qu’est l’homme, la différence entre l’homme et le singe, comment on pourrait guérir les maladies, etc.

En 2003, le génome humain a été entièrement séquencé. On y a trouvé effectivement de l’ADN, mais on a observé que 98 % n’était pas des gènes. On a donc appelé cela du « junk ADN », de l’ADN qui ne compte pas, parce qu’on considérait que le gène était tout. Puis, on a constaté que le génome humain comptait 20 368 gènes, c’est-à-dire environ autant qu’une mouche drosophile (ou mouche du vinaigre, très présente sur les fruits, NdlR). On pensait qu’il y en avait beaucoup plus chez l’homme, sinon il était difficile d’expliquer comment l’être humain est devenu l’être humain. En outre, la moitié des gènes que l’on trouve chez l’homme se retrouvent également chez la drosophile.
En 2013 est paru un article dans la revue Nature ayant pour titre : The more we know, the more we know that we don’t know (plus nous en savons, plus nous savons que nous ne savons pas). On a réalisé qu’il ne s’agissait pas du tout de « junk ADN ». Une grande partie de celui-ci a une fonction. En lui-même, le gène n’est rien. C’est le contexte du gène qui fait que le gène peut être à certains moments activé ou non. Il existe tout un réseau qui fait qu’un gène exerce sa fonction. Un changement dans l’environnement peut même causer un changement dans le génome. Pour les généticiens, une telle chose était jusque là une hérésie.

Dirk Van Duppen. Un autre aspect de la découverte du génome est que nous disposons maintenant d’une « horloge moléculaire » assez précise, qui permet de préciser et de « dater » notre ancêtre commun. Nous savons ainsi qu’il y a six millions d’années, l’homme et le chimpanzé avaient un ancêtre commun. Avec le gorille, nous avions un ancêtre commun il y a dix millions d’années. Et avec l’orang-outan, c’était il y a dix-huit millions d’années. C’est important, parce que cela donne la possibilité d’introduire dans la psychologie expérimentale une sorte de machine à remonter le temps. Entre le comportement des enfants humains et celui des chimpanzés, il y a une différence gigantesque. Cela veut dire qu’au cours de ces six millions d’années, l’homme a connu une évolution particulièrement complexe et rapide. Via la recherche comparative avec des enfants humains et des chimpanzés, on peut voir sur quels points l’homme a évolué de manière unique.


Dirk Van Duppen est médecin et président de Médecine pour le Peuple. (Photo Solidaire, Han Soete)


Quel point a fait progresser significativement cette connaissance ?


Dirk Van Duppen. Une grande avancée dans la recherche a eu lieu en 2007 avec le travail de l’Américain Michael Tomasello, psychologue du développement, qui a soumis 105 chimpanzés, 105 enfants humains et 35 orangs-outans à deux séries de tests. Une première série mesurait l’intelligence physique : qu’est-ce qui est plus/moins, qu’est-ce qui vient avant/après, qu’est-ce qui est la cause/la conséquence et comment s’orienter géométriquement ? Une deuxième série portait sur les compétences sociales : dans quelle mesure peut-on collaborer avec d’autres, s’entraide-t-on, dans quelle mesure a-t-on développé une « théorie de l’esprit » – c’est-à-dire la capacité de pouvoir reconnaître des états mentaux (sentiments, intentions, pensées…) chez les autres ? Cette recherche a montré qu’au plan de l’intelligence physique, les chimpanzés ont un score un peu meilleur que les enfants de 2,5 ans. Mais qu’au plan des compétences sociales, les enfants humains ont un score double par rapport aux chimpanzés, et déjà dès ce très jeune âge.
Cette expérience a été réitérée, mais en suivant les groupes étudiés pendant deux ans. Les chercheurs ont observé que les chimpanzés stagnaient complètement sur les deux niveaux d’intelligence alors que les enfants humains progressaient de manière spectaculaire, tant au plan social que physique. Après une recherche plus approfondie, il est apparu une relation causale entre les compétences sociales que l’homme avait déjà acquises dans une mesure importante par l’évolution, et son intelligence intellectuelle par l’apprentissage social. Cela a complètement changé l’image qu’on avait de l’homme.
Une troisième avancée s’est produite dans les neurosciences, grâce à l’imagerie fonctionnelle par la résonance magnétique (IRM), balayant le cerveau et permettant indirectement d’analyser les régions du cerveau en activité. On a ainsi découvert qu’il y a au moins dix outils neurobiologiques servant au comportement pro-social, et qui chez l’homme sont très fortement développés. Tout a commencé avec la découverte des neurones miroirs.

Les neurones miroirs ?


Dirk Van Duppen. Les neurones miroirs ont été découverts dans les années 1990. Un scientifique italien a fait des tests avec des macaques. Il a placé des électrodes sur une zone déterminée. À chaque fois qu’un singe saisissait une cacahuète, des neurones devenaient actifs. Lorsqu’un des chercheurs saisissait lui-même une cacahuète et qu’un singe le voyait, on a découvert que ces mêmes neurones devenaient actifs chez ce singe. Ce que le singe voyait avait donc un effet sur les mêmes fonctions dans son propre cerveau. On a appelé cela les neurones miroirs. Et ceux-ci sont aussi fortement développés chez l’homme. On pense maintenant que ces neurones miroirs sont probablement la base neurobiologique de l’empathie, mais très certainement de l’imitation, ce qui est fondamental pour l’apprentissage social.
Une autre avancée se situe dans le domaine de la paléoanthropologie. Via les scanners à rayons gamma de haute résolution, on peut désormais reconstituer au départ d’un morceau de crâne trouvé dans la terre ou la pierre une image en 3D du crâne entier tel qu’il a été, y compris la dentition. Au départ de cela, on peut déterminer de manière très précise non seulement l’âge de ce fossile, mais aussi l’âge approximatif de la personne et sa maturité sexuelle.

Et en quoi est-ce important ?


Dirk Van Duppen. L’être humain a une période d’enfance beaucoup plus longue que le chimpanzé. L’homme est aussi le seul mammifère à avoir une période d’adolescence. Par ces scanners, on a pu observer cela du point de vue de l’évolution dans les fossiles de nos ancêtres. À un certain moment, on a compris que la très longue période d’enfance de l’être humain était à la base de l’instinct pro-social de l’homme.

Pouvez-vous expliquer ?


Dirk Van Duppen. Quand l’homme a commencé à marcher debout, cela a eu beaucoup d’avantages. Nos mains se sont libérées, nous avions une meilleure vision sur la savane, notre corps a pu mieux se rafraîchir… Un désavantage a été que le bassin s’est rétréci, ce qui a rendu l’accouchement plus difficile. Lorsque, il y a 2,5 millions d’années, le cerveau a connu une nouvelle croissance explosive – passant de 450 grammes à 750 grammes –, cela a rendu la naissance encore plus difficile. La nature a partiellement résolu cela en nous faisant naître prématurément.
C’est pour cela que nous sommes le mammifère le plus vulnérable, le plus dépendant. Dans cette logique, la nature a sélectionné les instincts pro-sociaux, tant dans la collectivité qui élève l’enfant que chez le bébé lui-même, pour que cette interaction sociale soit effective. Comme la période de l’enfance est si longue et que le développement du cerveau continue  pendant si longtemps – jusqu’à l’âge adulte, l’être humain est construit pour absorber cette culture sociale. C’est unique chez l’homme.

Johan Hoebeke est biologiste, spécialiste de la théorie de l’évolution et ancien chercheur au CNRS. (Photo Solidaire, han Soete)


Quand on parle de l’évolution, on pense à Charles Darwin. Voux expliquez que Darwin a été détourné par certains courants pour faire passer leur propre agenda.


Johan Hoebeke. À un certain moment est né le « social-darwinisme », qui est en fait une idée de Herbert Spencer, un contemporain de Darwin. L’idée centrale des social-darwinistes est que tout est basé sur le struggle for life (la lutte pour la vie), la compétition. Seuls les plus forts survivent. Si l’on extrapole cela aux êtres humains, il était alors normal pour les social-darwinistes d’affirmer que la race blanche était supérieure, parce que les Blancs ont imposé leur suprématie dans le monde entier. Pour eux, les autres races avaient moins de valeur puisque, dans le struggle for life, elles avaient eu le dessous.
Le terme « social-darwinisme » est trompeur, parce que c’est la pensée la plus antisociale que l’on puisse imaginer. Et c’est aussi trompeur parce que Darwin n’a absolument rien à voir avec cela, cela va même à l’encontre de ses thèses. Dans son livre The Descent of Man, il a clairement montré que, sans sociabilité, il ne serait même pas question de l’être humain.
Dirk Van Duppen. Le social-darwinisme a connu son point culminant sous le nazisme. Après la défaite des nazis, il y a eu un contre-mouvement par rapport à ce social-darwinisme, qui a été incarné dans la Déclaration universelle des Droits de l’homme de 1948. C’est une réponse en droite ligne au social-darwinisme. Article 1 : Tous les hommes sont égaux. Article 2 : personne ne peut être discriminé sur base de la race, de l’origine, de la nationalité, de la religion ou des opinions. Et les articles 22 à 28 énoncent les droits sociaux fondamentaux.
Ensuite est apparu le néolibéralisme qui a repris les idées de Spencer et est finalement devenu dominant.

Le néolibéralisme découle donc selon vous du social-darwinisme.


Dirk Van Duppen. Le néolibéralisme a deux principes-clés. Le premier, There is no alternative (TINA), il n’y a pas d’alternative, rien à faire, c’est la nature et on ne peut rien y changer. Le second : « La société, ça n’existe pas. Il n’existe qu’une addition d’individus. » Chaque individu est face à un autre. Ce sont des idées que l’on retrouve littéralement chez Spencer, qui ont été copiées par le néolibéralisme et qui, aujourd’hui, sont revenues en force.

Sans le moindre fondement scientifique.


Johan Hoebeke. En effet. Spencer n’était pas un scientifique, mais un idéologue. Et les néolibéraux ne sont pas non plus des hommes de sciences. Les économistes néolibéraux, comme Von Hayek et Friedman, n’ont jamais étudié les sciences, mais ils ont pourtant pu répandre leurs idées parce qu’ils ont reçu beaucoup de moyens financiers du monde financier et industriel.
Il y a actuellement un nouveau mouvement qui s’insurge  contre ces idées néolibérales. Et que voit-on ? Que l’élite tente de repousser ces idées vers la case bienfaisance individuelle, pour contrecarrer la recherche d’une justice et  donc d’une société plus proche des tendances pro-sociales humaines.
Dirk Van Duppen. Ce social-darwinisme implique également que les pauvres sont eux-mêmes responsables de leur misère. Soit parce qu’ils sont génétiquement trop faibles, et alors ils sont censés être éliminés par la sélection, soit parce qu’ils ont de la mauvaise volonté. Lorsque j’étais conseiller au CPAS d’Anvers, dont la présidente était la N-VA Liesbeth Homans, j’ai vu ce phénomène dans la pratique. C’était le social-darwinisme à son sommet.

Votre livre est révolutionnaire parce qu’il démontre que l’empathie et la solidarité ont constitué des avantages dans l’évolution de l’homme, ce qui fait que ces caractéristiques sont devenues partie intégrante de l’être humain. Pouvez-vous donner des exemples de la manière dont le comportement social est devenu un avantage dans l’évolution ?


Dirk Van Duppen. Beaucoup de recherches ont été effectuées sur la dépendance de l’être humain déjà même avant la naissance. On a découvert que, dans les sociétés primitives de chasseurs-cueilleurs, il était impossible pour une femme enceinte de se procurer elle-même suffisamment de calories pour survivre et pour que son embryon se développe. Au contraire des autres mammifères femelles, une femme enceinte ne pouvait pas survivre seule.
Ensuite, il y a la naissance. Un bébé humain est complètement sans défense, à une chose près : ses capacités d’interaction sociale. Un bébé chimpanzé dépend de sa mère seulement les six premiers mois de sa vie. C’est seulement une relation mère-petit et personne ne peut approcher. Mais les bébés humains cherchent, eux, immédiatement le contact avec leur environnement. Les regards des bébés ont été étudiés, et même les bébés de quelques semaines font la différence entre les gens et la manière dont ceux-ci réagissent. Ils ont déjà une certaine capacité intuitive pour évaluer leur environnement et les personnes.

Et en quoi cela a-t-il fait progresser l’être humain ?


Dirk Van Duppen. En 2012 a eu lieu une recherche où l’on faisait résoudre un puzzle compliqué à un groupe d’enfants humains et à un groupe de chimpanzés. On a constaté que les enfants humains atteignaient très vite le plus haut niveau et que, chez les singes, c’était bien plus lent. Pourquoi ? Les enfants humains avaient tendance à travailler ensemble, à communiquer. Le fait de mettre l’intelligence en commun pour résoudre le puzzle a été déterminant. Ils pouvaient cumuler leur connaissance grâce à l’échange.
Via la recherche neurologique, on a aussi découvert qu’il existe une corrélation entre le néocortex – la nouvelle partie de notre cerveau apparue au cours de l’évolution – et la taille du groupe dans lequel on vit. Le cerveau montre qu’un être humain est capable d’entretenir des relations assez personnelles avec 150 personnes. Il y a un lien entre la taille de notre cerveau et notre comportement social complexe.  Tomasello le décrit ainsi : « Nous n’avons pas un grand cerveau pour être un génie en tant qu’individu, mais pour mettre nos capacités en commun. »
Un autre scientifique, Joe Henrich, du département de Biologie de l’évolution humaine de l’université de Harvard, a établi que l’intelligence sociale était une condition nécessaire pour arriver à l’intelligence collective. Par intelligence collective, il veut dire la connaissance cumulée par nos contemporains et par les générations successives. La photo de couverture de notre livre est à cet égard symbolique. Il n’est pas exact que les idées géniales naissent en se mettant sur les épaules d’un autre géant. Non, les idées naissent plutôt d’une pyramide de nains. Et ce n’est pas la taille des nains qui compte, mais le nombre de nains qui peuvent former une pyramide – donc travailler ensemble – qui est déterminant pour pouvoir regarder le plus loin possible, et donc, en tant qu’humanité, pouvoir accomplir le plus grand progrès.

De quelle manière est-ce prouvé ?


Dirk Van Duppen. Henrich a fait des expériences avec des étudiants. Ceux-ci devaient résoudre des problèmes sur un ordinateur. Les étudiants étaient divisés en deux groupes. Un groupe où les problèmes étaient résolus en groupe et un groupe où les étudiants devaient, l’un après l’autre, résoudre le problème individuellement. Ceux qui travaillaient en groupe étaient dans tous les domaines supérieurs aux individus. Dans ceux qui travaillaient en groupe, même le plus faible était toujours meilleur que le plus fort dans le groupe d’individus.

Quels facteurs jouent un rôle dans ce processus de groupe qui permet de progresser ?


Dirk Van Duppen. Trois facteurs ressortent clairement comme étant déterminants dans la manière de réaliser le plus d’innovation. Le premier est la socialité, le fait de travailler ensemble. Plus grand est le groupe dans lequel les personnes collaborent, plus grande est la chance d’innover. Un deuxième, c’est la fiabilité de la transmission de l’information. Chacun doit pouvoir être certain que la connaissance de l’autre est correcte. Un troisième est la diversité et la tolérance par rapport à cette diversité. Si plusieurs opinions sont tolérées et encouragées, la chance d’innover augmente.
Johan Hoebeke. Pour beaucoup de scientifiques, c’est une évidence. Dans la science, on travaille comme ça. Si on avance une hypothèse, on essaie de la prouver à sa manière. Si ça marche, on veut une certitude et on demande à d’autres, qui font des expériences différentes, d’examiner si vos conclusions concordent avec leurs expériences. Simplement en communiquant, on peut consolider sa propre hypothèse et aider d’autres à faire progresser la leur. Et c’est la seule manière de faire de la science.
Le problème actuellement, avec tous les brevets, c’est qu’on ne fait plus de la science. La connaissance est gardée cachée pour le profit financier. Mais si les choses restent cachées, on ne peut plus non plus détecter les erreurs. Ce n’est plus de la science, c’est de la manipulation.

Vos idées se heurtent au modèle économique dominant…


Dirk Van Duppen. Dans un système néolibéral d’économie de marché, l’économie détermine qu’il faut aller vers la maximalisation du profit. Et celui qui ne joue pas le jeu est écrasé par la concurrence. Nous montrons que cela va à l’encontre de nos tendances pro-sociales et donc, que cela nous déshumanise.
Pendant 200 000 ans, nous avons évolué biologiquement pour vivre de manière sociale et égalitaire. C’est contraire à la culture de la cupidité et de l’inégalité qui existe aujourd’hui. Cela rend les gens psychiquement et mentalement malades. Nous concluons donc le livre par une citation de l’écrivain José Saramago : « Si les situations sont à ce point déterminantes pour l’être humain, alors rendons ces situations plus humaines. »

Comment pouvons-nous rendre l’homme plus social ?


Johan Hoebeke. Ce que nous essayons de faire, c’est justement ça : montrer aux gens que faire pour devenir plus humain. Si de plus en plus de gens sont conscients que continuer sur la voie de la déshumanisation nous mènera tôt ou tard à la destruction de notre environnement et donc de l’espèce humaine…
Le seul moyen de survivre et de garder un monde habitable pour tous les êtres vivants est de travailler à une société meilleure. Il faut donc repenser le monde en mettant en avant la valeur nécessaire à cette survie et non la valeur marchande des choses.

Vous avez écrit le livre ensemble. Vous êtes donc aussi des « super-collaborateurs » ?


Johan Hoebeke. C’est le plus bel exemple que 1+1 font plus que 2. Cela prouve que lorsqu’on travaille ensemble, la complémentarité de chacun augmente le résultat. Quand des néolibéraux affirment que ce sont les individus de génie qui ont fait avancer l’humanité, c’est faux. Les grands scientifiques se sont appuyés sur leurs prédécesseurs et leurs collègues. Apple a basé ses produits sur la recherche publique aux États-Unis, Microsoft a fait usage d’applications militaires. Comme si Steve Jobs et Bill Gates avaient tout découvert eux-mêmes ! Ce sont des opportunistes qui se sont approprié le bien commun qu’est la science.
 source : http://www.investigaction.net/24833/

dimanche 23 octobre 2016

Sujet du JEUDI 27/10 : La philosophie peut-elle conduire à dieu ?

       ATTENTION LE CAFE PHILO NE          SE TIENDRA PAS MERCREDI MAIS JEUDI !

              La philosophie peut-elle conduire à dieu ?

Le monde physique a pu d'abord inspirer à l'humain de la terreur. Cependant la nature, lui assure aussi son existence. Comment ne ressentirait-il donc pas à l'égard des dieux, pour leurs bienfaits, de la reconnaissance et de l'ardeur?  Mais Dieu évoque un besoin tout autre qu’une explication des réalités du monde. Il se réfère au besoin de transcendance, à notre constat de l’imperfection de notre capacité de compréhension, à l’évidence de notre finitude face à l’infini.

Dieu peut être considéré du point de vue des religions supposées révéler l’homme à lui-même, et de celui de la philosophie, où l'humain, ne s'aidant que de sa propre raison, fait effort pour dégager l'idée de Dieu. 

Tandis que les religions polythéistes de l'Antiquité s'arrêtent  à la divinisation des causes secondes de la nature , la philosophie, dès son berceau, s'efforce de s'élever à la conception d'un être et d'une cause première.
L'école ionienne d’Anaximène, d’Anaxagore, et de Thalès de Milet s’engage dans la recherche du principe matériel de toutes choses. Puis, Socrate donne non seulement sa démonstration de l'existence de Dieu, mais aussi de sa Providence, action divine en vue d’une fin. Les péripatéticiens d’Aristote croient s'élever réellement au-dessus de l'humain, en définissant Dieu par l'intelligence, comme si l'intelligence n'était pas encore chose humaine.  Platon, lui, considère tantôt Dieu comme l'essence suprême, tantôt il voit en Dieu la cause du mouvement, l'ordonnateur de la matière réduite au moindre rôle.

Les épicuriens pensaient que la forme humaine, étant la plus parfaite, devait appartenir aux dieux qui possèdent toute perfection, et les stoïciens, intéressés par le savoir des affaires divines et humaines, se faisaient un Dieu matériel, d'une matière le plus possible épurée et spiritualisée. Enfin, les néo-platoniciens en vinrent à concevoir Dieu comme supérieur et à l'intelligence et à l'intelligible. L'humain cette fois semblait dépassé, et on se flattait d'avoir atteint Dieu.

Dans le monde latin, la pensée de Saint Augustin est une étape décisive dans la constitution d’une véritable philosophie chrétienne. Et Anselme, Père de la preuve ontologique déclare « On ne peut pas penser que Dieu n’existe pas ». A partir du 13ème  siècle, la synthèse de l’aristotélisme et des Pères de l’Église, opérée par Thomas d'Aquin,  guide la destinée philosophique du christianisme.

Au 17ème siècle, Descartes inaugure  la réflexion libre de toute autorité religieuse ou politique et la méditation personnelle, pensant, dans son rationalisme,  que tout esprit bien conduit peut parvenir à la connaissance. Son doute méthodique le conduit à la pensée de son existence « je pense donc je suis » puis à l’existence de Dieu, à partir de l’infini qui est en nous. Spinoza lui-même défend la doctrine du salut par la connaissance de Dieu. Grace l’analyse de l’âme humaine, des affections et des passions, et par une éducation concrète, l’individu reconnaîtra en lui-même, au fond de sa pensée, la présence même de Dieu.

Au 18ème siècle, Kant pense que le but n’est pas d’étendre notre  connaissance du monde mais d’approfondir la connaissance de l’homme, et que la loi morale est la possibilité la plus profonde de notre être, conduisant à la liberté, notre destination véritable. Plus tard, Nietzsche refuse la morale chrétienne dite « morale d’esclave » et compte faire, avec le désespoir le plus profond, l’espoir le plus invincible par la volonté et l’imagination. « Dieu est mort ! Dieu reste mort ! Et c'est nous qui l'avons tué ! » fait-il dire à l’insensé … « Ne sommes-nous pas forcés de devenir nous-mêmes des dieux— ne fût-ce que pour paraître dignes d'eux ? »

On voit ainsi que l’idée de Dieu a toujours intéressé les philosophes et qu’ils ont, pour la plupart, multiplié ce que Kant appellerait les pseudo-preuves de son existence :

-La preuve ontologique initiée par Anselme : « Je ne cherche pas à comprendre afin de croire, mais je crois afin de comprendre », argumentaire destiné à asseoir la foi sur des raisons philosophique.
-La preuve morale avancée par Socrate, « les humains ne purent se résigner à mourir entièrement. Ils pensèrent que leurs ancêtres survivaient, et qu'une récompense dans un autre monde était réservée à ceux qui l'avaient méritée ».
-La preuve physique, ou téléologique,  de l’histoire humaine en fonction de son but, de sa finalité. Anaxagore le dit expressément, puis tous les philosophes, à l'exception des épicuriens, insistent sur les marques d'un dessein intelligent qui se manifeste dans les choses. La nature doit avoir ses fins comme l'humanité a les siennes.
-La preuve cosmologique attribuée à Platon et Aristote où, par un effort d'abstraction, on considère tout le réel dans sa généralité pure et simple; apparaissant comme chose mobile et changeante, chose périssable, qui n'a pas en soi la raison de son existence. Il ne s'explique que par le principe suprême. On l'appellera premier moteur, ou cause première.

La faiblesse de ces « preuves » a été mise en lumière par Kant.  Si l'on excepte la preuve morale, qui échappa à la critique du philosophe, le défaut commun des autres est l'emploi illégitime qu'elles font des principes de notre connaissance :

Comment donc réussira-t-on, dans la preuve ontologique, à tirer d'une idée une existence? Ou bien l'existence de Dieu se déduit, de la seule idée de Dieu ; mais c'est qu'on l'a introduite déjà et supposée dans cette idée; Ou bien l'on s'en tient à l'idée seule de l'être parfait, et, en la décomposant, on y trouve l'idée de toutes les perfections, entre autres l'idée de l'existence, mais non pas l'existence elle-même.

De même, dans la preuve cosmologique, on se sert indûment du principe de causalité. Celui-ci exige que tout phénomène soit déterminé par un autre phénomène. Or s'il nous permet ou plutôt nous ordonne de remonter la chaîne d'anneau en anneau, il ne nous autorise pas à abandonner tout à coup cette chaîne pour nous jeter en plein suprasensible. Albert Jacquard disait « chaque chose que nous voyons a nécessairement une origine. Parlant de l’univers, nous en déduisons que lui aussi a un début, qu’il a donc été créé. Mais nous commettons une erreur logique consistant à étendre à l’ensemble ce qui est vrai pour chacun des éléments, car tout objet est créé par l’association d’éléments préexistants. » alors pourquoi avoir besoin d’un créateur ?

Quant à la preuve de Dieu par la finalité dans le monde physique, dit  Kant, l'intelligence ordonnatrice, qu'elle nous amène à reconnaître, n'a pas nécessairement créé le monde. Et un accord entre plusieurs dieux expliquerait l'ordre en ce monde aussi bien qu'une divinité unique.  De plus la finalité n'est pas un principe scientifique, donc ne peut démontrer ou prouver que Dieu existe.

A défaut de prouver l'existence de Dieu hors de nous, sommes-nous assurés au moins de son idée en nous-mêmes? Avons-nous de Dieu une idée bien définie? La philosophie moderne oscille toujours entre le même besoin de déterminer Dieu, et un sentiment autrement profond de l'infinité de sa nature.  C'est ainsi qu'on s'embarrasse dans d'inextricables difficultés. Car ou bien, à force de dépouiller Dieu de tout attribut qui rappellerait l'humain, on se trouve finalement en face d'un être irreprésentable pour notre esprit, ou bien ce qu'on lui laisse est toujours emprunté à notre nature humaine.


Toute conception de la divinité vient donc de l'humain, et se trouve, par cela seul, entachée d'un vice d'origine.  L'esprit humain a été formé peu à peu sous la seule action des choses. Le monde n'aurait pas été créé pour répondre aux besoins de l'intelligence humaine; mais cette intelligence, produite par lui, se serait, comme les autres productions, tant bien que mal adaptée au milieu. La philosophie , elle-même issue de l’esprit humain n’ aurait-elle pas eu un rôle fondamental dans la construction de  Dieu, des croyances et des religions ?

  ATTENTION LE CAFE PHILO 
NE  SE DEROULERA PAS MERCREDI MAIS JEUDI !

dimanche 16 octobre 2016

Sujet de Merc. 19/10/2016 : Faut-il préférer l'injustice au désordre ?

                                   FAUT-IL PRÉFÉRER L'INJUSTICE AU DÉSORDRE ?

Le sujet paraît acculer à un choix peu ouvert, qui plonge la réflexion dans le registre du négatif et d’une humanité défectueuse : il y aurait nécessité de choisir entre deux maux, injustice et désordre, pour déterminer le moins pire.
Aucun des deux ne peut être voulu pour lui-même, dans aucune société : aucun n’est fin en soi, aucun ne peut être converti en norme absolue. Il faudrait, en cherchant quels arguments l’emportent pour se résoudre, se résigner à privilégier injustice ou désordre à défaut de concilier les valeurs d’ordre et de justice.
La question concerne au premier chef les responsables politiques, chargés de veiller à la fois au maintien de l’ordre public et à la garantie de la justice. Dans le cadre d’un État de droit, un des enjeux majeurs de l’exercice du pouvoir est de répondre à cette double mission combinée. Comment arbitrer en cas de conflit ? Quelle doit être la priorité ?
Sous l’angle de l’État ou de l’homme politique, l’option prioritaire est sans doute l’ordre. Jusqu’à quel point alors la préservation de l’ordre public peut-elle autoriser des injustices ? Souvent justifiées au nom de l’efficacité, et présentées comme inévitables, ces injustices ne compromettent-elles pas le but qu’on prétend atteindre par elles ?
Peut-on établir ou restaurer une paix, une concorde durables sur fond d’injustices ? Que vaut l’ordre qui serait ainsi obtenu ? La question concerne plus généralement tout citoyen, tout membre ou organisation de la société civile.

Elle engage d’une part une réflexion sur les critères permettant de juger un régime politique, une idéologie, une situation sociale, des réformes institutionnelles. Telles mesures prises par un État révèlent-elles un souci dominant d’ordre ou bien de justice ou encore une visée équilibrée des deux à la fois, ce qui seul irait dans le sens de conforter un État de droit ? Mais la question soulève d’autre part le problème des moyens à utiliser face à un régime qui multiplierait les injustices voire les légaliserait (ex. : discriminations inscrites dans la loi). Lorsqu’un régime bafoue ouvertement les droits de tous ou d’une partie des citoyens, l’action de contestation peut-elle s’orienter vers le risque du désordre ? Y a-t-il des violences légitimes ? La révolte, l’insurrection peuvent-elles être reconnues comme des droits ? Un choix de l’une contre l’autre est-il inévitable ?  (ESC Rennes)

lundi 10 octobre 2016

Sujet du Mercredi 12/010/2016 : LE MONDE EST-IL FAIT POUR NOUS ?

LE  MONDE  EST-IL  FAIT  POUR  NOUS ?

Pour démontrer l'inanité d'une telle illusion ne faut-il pas en revenir à la démarche de la science et de la philosophie ? Comme il y a 26 siècles chez les Grecs et 500 ans à la Renaissance. Le matraquage actuel de beaux et merveilleux documentaires télévisuels d'astronomie étatsuniens est captivant (on en est captif, quitte à s'informer !), mais pose problème pour cette même raison. La construction auprès du public d'une croyance émerveillée, faisant l'impasse sur la nécessaire adéquation réciproque entre faits avérés et théorie scientifique, nous conduit à une religion nouvelle du « réglage fin du monde à l'origine » qui aurait fait apparaître la vie à l'image de cette intention première, que ses promoteurs se gardent bien de dévoiler pour ce qu'elle est. Seule la connaissance du réel, celle des faits et de la théorie combinés, nous permettra de dévoiler le pot aux roses qui, dans le mouvement des passions et de la démesure du beau et du fantastique ainsi proposés, incite à « prendre nos désirs pour la réalité » plutôt que « la réalité pour notre désir » (Spinoza). De même Hegel mettait-il en garde que faire de la science ou « philosopher ne permet pas qu'on ne fasse qu'assurer, imaginer, aller et venir arbitrairement par la pensée (même) en raisonnant ?

Voyons en bref ce que disait ce sacré Spinoza. Déjà Galilée et Giordano Bruno nous apprenaient-ils que la terre et les hommes ne sont pas le centre immobile du monde, celui qu'un « premier moteur » posté à l'extérieur, au-delà du monde (transcendance) ferait pivoter tel un divin carrousel « dans une harmonieuse symphonie de sphères adamantines vissées d'astres scintillants ». Ceux-ci (et même Spinoza !) se trompaient bien un peu sur la nature infinie du monde, mais ne voulaient-ils pas plutôt simplement souligner qu'il est « sans limite » et comprend tout ce qui existe ? Cela ne chassait-il pas ipso facto l'idée même d'un être hors du monde dans l'au-delà et celle de l'incompatibilité d'un centre à un espace infini ? L'homme et la vie ne pouvaient dès lors plus être considérés comme le centre du monde ni donc comme l'intention qu'un être de l'au-delà aurait imprimée en le créant ex nihilo à son image. La croyance narcissique de « se prendre pour le nombril du monde » ne pouvait plus tenir qui faisait que les hommes s'imaginaient de toute pièce une entité supérieure qui les aurait créés à son image et dont les intentions détermineraient leurs vies. Il y a là totale auto-contradiction.

Spinoza montre que la croyance en une telle entité créant tout en vue d'une fin (l'homme) est compréhensible puisque, dans la vie courante, nous posons des actes nécessairement toujours en vue d'une fin (je tends le bras pour saisir un objet, etc.). Par analogie anthropocentrique, le monde doit alors exister par le dessein d'un être absolu extérieur à lui qui l'a fait advenir et perdurer, et que tout ce qui s'y produit est nécessairement le fruit d'une intention, conduisant notamment aussi à « la théorie du complot » et à celle du « réglage fin de l'univers à l'origine ». Ce point de référence fixe et définitif qui n'est que croyance infondée dissipe sans doute une angoisse existentielle, mais au prix de l'abandon de la raison critique s'appuyant sur l'analyse de faits concrets et réels et débouchant sur des connaissances (vérités). Spinoza stigmatise ainsi l'ignorance des hommes des « causes qui les déterminent », l'abandon de leur recherche et in fine la chute dans la servitude volontaire.

C'est en ignorant les causes des choses que les hommes se créent sans cesse illusions et lubies qui correspondent à leurs désirs mais qui les conduisent souvent à l'impuissance et à la désolation de la servitude volontaire par la croyance en un monde imaginaire. C'est là une démarche idéologique, religieuse, spiritualiste voire mystique.Tandis que la recherche raisonnée et la connaissance des choses du monde et des hommes, que nous prendrions à notre compte pour en faire nos désirs, permettent d'accroître notre puissance dans le monde par son usage le plus pertinent possible distinct du fatalisme. C'est la démarche philosophico-scientifique.

Mais à titre d'important exemple, revenons à la nouvelle religion de domination de l'esprit faisant perdurer les anciennes qui se met en place sur la supposée intention qui présiderait au réglage fin de l'univers au temps zéro et de tous les détails du monde des hommes qui en découlent par la suite. La science physique a démontré – par la concordance de la théorie d''Einstein faite de l'abstraction d'équations mathématiques et des mesures d'observation de Hubble des vitesses des galaxies en rapport avec leur distance à la terre – que le monde est fini, courbe et fermé ou replié sur lui-même (pas infini !), homogène et isotrope au-delà des amas de galaxies et en expansion chaotique mais décélérée,. Ceci conduit aux concepts de Big Bang au temps zéro et de Big Crunch dans quelque 550 milliards d'années, quand l'univers disparaîtra sans retour. Bien. Cela est résultat de physique, à savoir représentation humaine avérée du réel et non pas identité parfaite avec lui, car celle-ci correspondrait à l'essence du monde (Platon) qui reste par définition inatteignable par la science et l'esprit humain.

Il s'en suit que les divagations de la majorité des cosmologistes, reprises dans les merveilleux documentaires dont on nous farci la cervelle, sont toutes fausses et purs fruits d'une imagination métaphysique de « faiseurs de prodiges » (Platon) au-delà du réel qui dans la passion « prennent leurs désirs pour la réalité » et non l'inverse (Spinoza). Débusquons ce qui de la part de ces physiciens est une erreur majeure, de plus sans cesse répétée, sinon une imposture criminelle.

1°.  Le zéro et l'infini, entités mathématiques abstraites et métaphysiques liées par 1/infini = 0, ne sont pas des nombres, n'ont aucune réalité physique ne pouvant être ni mesurés, ni appréhendés ; ni donc faire partie de toute science ou philosophie. Notre entendement ne peut que concevoir de tendre vers zéro ou l'infini, sans jamais les atteindre. Ceci est une constatation de fait, pas une opinion. D'ailleurs la physique disparaît au temps de Planck, le plus petit qu'elle sache appréhender, comme dans les équations de la gravitation d'Einstein reflétant le réel, avant de se dissoudre à cet instant et non plus tôt au temps zéro du Big Bang, notion métaphysique (au-delà de la Physis ou nature). Se placer à cet instant infiniment précis et irréel comme le font presque tous les « cosmologistes » est une inanité – purement gratuite hors toute science, ou théorie et observation possibles – par laquelle ils prétendent erronément à un réglage fin (infini) du monde à son origine supposée (t=0).

Non, le monde est fini car courbe (Einstein) et, une fois qu'il est là (lancé), il n'est plus d'intervention ou d'intention finaliste possible (par qui?) qui assurerait un réglage fin en vue de son déroulement, à travers le chaos des formations et explosions d'étoiles, partant de sa « Cause Première » (l'Etre) pour déboucher sur sa « Fin Dernière », l'apparition et le développement de la vie, particulièrement la vie humaine ainsi faite à l'image du supposé Etre ou « Recteur » (Spinoza) de toutes choses comme cause et fin premières. (Ouf!). L'apparition de l'infini dans une théorie signale que cette théorie est en partie en inadéquation avec le réel. C'est l'application des principes anthropique (anthropos, l'homme) ou de complexité invoqués par le chrétien Teihard de Chardin suivi des illuminés francophones Hubert Reeves et le bouddhiste Xuan Thuan, de concert avec leurs collègues anglosaxons croyant la vie créée et réglée par dieu.

2°.  La physique est à nouveau confrontée à l'infini, « le renard dans le poulailler », par l'invention de la matière noire. Un trou noir est un corps dynamique prévu par la théorie d'Einstein et si massif qu'il s'effondre sous l'effet de sa propre gravitation et devient invisible. Mais en fin de parcours -- au temps zéro, au-delà de la physique (le réel), quand ce corps s'évanouit et devient indétectable de l'extérieur (on ne peut savoir ce qu'il serait) puisque aucune lumière ne peut s'en échapper, E=mc2 de la théorie oblige -- le trou noir aurait une densité infinie. C'est la même impossibilité physique que celle du Big Bang si bien que ces deux concepts échappant au réel et à la connaissance restent à ce jour des fantaisies de l'imaginaire métaphysique et donc sans aucun fondement. « Inutile d'essayer de dire de quoi il s'agit puisque personne ne le sait (à l'instar du divin), pas même ceux qui ont imaginé ces ectoplasmes (formes fantomatiques émanant du corps du médium au cours d'une séance de spiritisme) », C. Magnan, Collège de France, lacosmo.com. Leurs inventeurs astrophysiciens cosmologistes font sans cesse cette impardonnable faute professionnelle dans les médias (livres, documentaires, conférences, etc.). Ils s'y tiennent envers et contre tout. Cela ne les confine-t-il pas à la qualité d'imposteurs invétérés et même de criminels intellectuels en série ?

3°.  Une fois levées les barrières de la vigilance critique avec l'invention de l'insaisissable matière noire, pouvait s'ouvrir le chemin de la récidive de l'énergie noire et de bien d'autres aberrations (4°-6°). Comme pour la matière noire, est ici apparue une discordance de mesure difficile à interpréter dans le cadre des modèles théoriques en usage. Plutôt que de considérer que les modèles informatiques étaient insuffisants à parfaitement décrire le réel et que la mesure de distance de supernovae situées à une dizaine d'années lumière de nous ne pouvait assurer une précision suffisante, nos « bons cosmologistes » conclurent à partir de distances mesurées plus grandes que prévues par les modèles que l'espace s'étirait au lieu de se rétracter comme prévu ! La farce fut d'inventer une « énergie noire » qui par sa présence -- par ailleurs parfaitement indétectable (noire) ! -- serait capable de dilater l'espace. La solution fut d'introduire un simple paramètre d'ajustement dans les équations dans une sorte de fétichisation des modèles contraire à la démarche de vérité scientifique !

 L'hypothèse infondée et gratuite fut que la luminosité intrinsèque des supernovae était la même pour toutes. Ce serait bien la première fois qu'une classe d'objets serait entièrement homogène réduisant cette hypothèse à une affirmation dogmatique correspondant à un vœu pieux ou à « un désir se prenant pour la réalité ». De plus, 1) comment des supernovae situées à 10 milliards d'années lumière et ayant engendré en boucle durant ce temps long des étoiles et supernovae à composition différentes, comment donc pourraient-elles être identiques à celles de maintenant ?!, et 2) n'est-il pas tout aussi incohérent et proprement aberrant de parler d'accélération de l'expansion de l'espace quand déjà nous ne savons pas en quoi consiste une telle expansion (absence de théorie adéquate) ? Puisque les modèles théoriques d'éloignement des galaxies, tous basés sur l'uniformité homogène de l'espace, ignorent les mouvements chaotiques internes aux galaxies qui ne correspondent pas nécessairement à une expansion.

A partir de tout cela, la majorité des cosmologistes ont la lubie de construire un monde illusoire, fruit de leur désir inavoué, composé de quelque 5% de matière connaissable (science physique) et de 95% d'énigmatiques, inconnaissables et insaisissables matière et énergie noires méta-physiques. N'est-on pas dans un rêve pour gogos bâti sur deux formes fantomatiques dominantes sur trois d'un monde réglé à l'avance par une entité suprême au-delà de lui () et composé en majorité d'objets évanescents inconnaissables ( et ) ? Ne marchons-nous pas tous sur la tête à croire cette fable ?!

Il s'agit d'une manipulation des esprits (« au plus le mensonge est gros, au mieux il passe ») anti scientifique et anti philosophique, affirmant subrepticement l'existence d'une création (par l'Etre) du monde réglé avec une précision inimaginable (infinie) afin qu'Il mène (finalisme) à la vie et à la conscience et pour qu'agisse un observateur (l'homme, créé à l'image de l'Etre) capable d'apprécier sa beauté et son harmonie (le meilleur des mondes possible). Alors que le monde est hasard, chaos et violence extrêmes de phénomènes incompréhensibles dans leur essence à l'échelle (domaine de validité) humaine. Même si les résultats de la science correspondent bien (approximation et non perfection infinie) au monde, ce qui est différent de s'y identifier (essence). Si l'essence du monde nous reste à jamais inatteignable, il n'en demeure pas moins que nous pouvons l'appréhender au mieux de nos capacités dans la dynamique d'un processus dialectique et créateur entre faits avérés et théorie se correspondant toujours mieux pour créer des connaissances véritables.

Prendre ainsi le monde, le réel pour nos désirs afin d'y devenir à son usage plus libre par une possession croissante de nos potentialités est la démarche la plus utile pour les hommes. C'est la démarche philosophico-scientifique. Elle est à l'antipode des élucubrations de l'imaginaire débridé de charlatans et preneurs de pouvoir qui fixent arbitrairement à leur avantage la croyance (dans l'idée fausse d'un monde statique, beau et harmonieux, infiniment décidé et prévu dès son origine illusoire pour l'éternité) qu'il nous suffirait dans la passion de « prendre nos désirs pour la réalité » et d'ignorer les causes qui nous sont extérieures et nous déterminent. L'ignorance a toujours désarmé les hommes face aux menées des autres hommes et aux phénomènes du monde et de la nature. Adieu donc illusoire libre arbitre d'une prétendue nature humaine ! Non, la liberté se gagne par  « l'exister » à tout instant dans la confrontation au monde réel. Descartes ne disait-il pas « j'existe (plutôt que « je pense »), donc je suis », rencontrant ainsi Spinoza ?

Allons plus loin dans cette voie pour débusquer l'entreprise de captation des esprits par la religion nouvelle d'astrophysiciens en recherche fondamentale dévoyés de leur science. Le problème n'est-il pas majeur car ces mensonges ont perverti toutes les autres disciplines et la société, y créant un vide de culture philosophique et scientifique (on n'a en conséquence plus rien découvert de fondamental depuis 1965) et une humanité devenue la proie facile de fanatiques et gourous à soutane, barbe, tunique, kippa, turban, crâne rasé et autres accoutrements tels que les complet-veston et cravate politico-banco-financiers visant la soumission de tous par manipulation. Par asthénie des esprits et de la raison disparaît toute velléité de contestation individuelle ou collective.

Voici quelques exemples en sus des cas majeurs 1°- 3° de déni de vérité faisant passer des désirs pour la réalité, plutôt que l'inverse :

4°.  Passant au temps zéro situé sous le seuil du temps physique minimal de Planck, les « faiseurs de prodiges » astrophysiciens font que tout point de l'espace-temps serait totalement isolé de tous les autres points de l'univers et en serait donc indépendant. Ce qui revient à un déni de toute causalité, est contraire au réel et rend impossible toute rationalité et réflexion philosophiques ou scientifiques. A partir de là toute invention métaphysique est possible (anges, démons, dieu ou tout autre fantasme) : on baigne en plein relativisme menant au « tout est possible, tout se vaut », même au néant et au pire propres au nihilisme conduisant à la loi du plus fort par la servitude volontaire.

5°.  Continuant dans la même veine des principes anthropique et de complexité – qui correspondent à la même affirmation du réglage fin à l'origine (temps zéro) par quelque entité toute puissante en vue de l'apparition de la vie et in fine de celle des hommes --, les mêmes affirment l'existence d'une vie sur d'autres planètes. C'est nier que : 1)  le monde et la vie sont tous deux le fruit de l'aléatoire, du fortuit ou du hasard (« effet papillon » infiniment surmultiplié), et 2)  le nombre d'informations nécessaire à la constitution du code de la vie est « infiniment » grand comparé aux centaines de milliards de milliards de planètes de l'univers. Ceci rend infime la probabilité d'apparition des informations nécessaires à la vie sur d'autres planètes. Faire croire le contraire dans chaque cas n'est-ce pas une somptueuse arnaque destructrice des cerveaux par la rénovation – sous des prodiges d'explications techniques et communicationnelles sophistiques – de dogmes religieux anciens souvent aujourd'hui devenus évanescents ?

6°.  Le monde n'est ni beau, ni harmonieux à la Xuan Thuan, Reeves & consorts, ni a contrario absurde par l'incompréhensibilité humaine de ses phénomènes. Non, l'absurde n'est-il pas d'attribuer au monde nos désirs tout subjectifs – de beau ou d'absurde c'est au choix -- en s'imaginant que le monde serait fait pour nous, que nous en serions donc le point focal, le centre, le nombril et finalement le but ultime (finalisme) ? Giordano, au secours ! Ne serait-ce pas aussi prendre nos désirs strictement subjectifs et puérils pour la réalité ? Au lieu que de tirer le meilleur parti des choses en faisant d'elles notre désir de chaque instant. Merci Spinoza.


On voit qu'en chacun des points 1°-6° la critique des aberrations anti scientifiques et anti philosophiques d'aujourd'hui sont en bonne correspondance avec les apports toujours vrais de la philosophie scientifique de Spinoza élaborée au milieu du 17ième siècle. Pouvons-nous enfin assimiler celle-ci malgré le conditionnement criminel ambiant des cerveaux et de toute la société par de pseudo scientifiques saturant l'espace-temps de la science et des médias contemporains ?

Sujet du Merc. 23/03/2024 : Le cas Nietzsche.

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