dimanche 18 juin 2017

Sujet MARDI 20 Juin 2017 : Lutte des classes, mythe ou réalité ?



CE CAFÉ PHILO AURA LIEU EXCEPTIONNELLEMENT LE MARDI, car le 21/06 fête de la musique ...

Lutte des classes, mythe ou réalité ?

La lutte des classes est au départ un concept créé par Charles Conte et Charles Dunoyer, des auteurs libéraux qui vont chercher à démontrer que sous un ordre féodal  la société est bien organisée en deux classes sociales qui s’affrontent. Essentiellement les paysans qui produisent des richesses et les nobles, qui de manière arbitraire, vont imposer une spoliation par une rente sur cette création de richesse.

Sur cette constatation, nous sommes bien  sur un principe décidé par le pouvoir en place à la fois de manière autoritaire et délibérée.

Bien évidemment, Karl Marx  va récupérer le concept  en démontrant que dans le capitalisme, ce sont les bourgeois qui deviennent la classe dominante pour donner la définition contemporaine  de la lutte des classes.  C’est même la base de sa théorie.
Mais l’analyse  ne serait pas complète si on n’insiste pas sur le terme de « lutte ». Ce mot au sens  propre, désigne une action violente. Même  si personne ne l’envisage comme une violence physique dans le concept qui nous intéresse, c’est bien une action volontaire qui est mise en évidence dans cette critique du capitalisme. On affirme là qu’il y a une action consciemment décidée. L’économie de marché serait donc un vaste système d’exploitation et tous les pouvoirs ne feraient que le défendre.  

En 2017 on pourrait penser que la critique s’est assagie mais la confusion est encore très importante. Pour simplifier la question on peut la formuler de la manière suivante : Est-ce que l’économie de marché, c’est : prendre l’argent des pauvres pour le donner aux riches ?

Malheureusement ce débat ne s’est jamais  résolu, ni même apaisé, non pas uniquement dans l’extrême gauche mais dans toute la pensée politique.

C’est ainsi que jusqu’en 1990 tous les intellectuels vont accepter ou alimenter cette hypothèse de la lutte des classes. Des gens comme Pierre Bourdieu vont sophistiquer l’argument avec son concept de « violence de classe ».En 2016 Monique Pinçon Charlot sociologue Bourdieusienne assume totalement le même principe. Dans un travail sur les paradis fiscaux, elle remarque que c’est pendant un G20 (élargissement du G8  en G20 en 2007 sous Sarkosy ) que les pays riches ont établi une liste des pays désignés comme des paradis fiscaux. Donc elle conclue, sans rigoler que c’est bien la preuve que les pays riches ont créé les paradis fiscaux. 

Pourtant le seul intellectuel qui va argumenté rationnellement la lutte des classes  est bien évidement  Karl Marx, grâce à ses théories sur la valeur travail et sur l’analyse du salaire qu’il considère comme un vol, d’où il déduit une paupérisation de la classe ouvrière. En gros Marx lui-même critique le système et non le pouvoir.

La critique globale de la « loi du marché » repose bien en réalité sur une dialectique de la lutte des classes et donc une question assez simple non résolue.

dimanche 11 juin 2017

Sujet du Merc. 14/06/2017 : CONVAINCRE OU COMPRENDRE (?)



                                          CONVAINCRE OU COMPRENDRE (?) 


   Problématiques possibles

- Qu'est-ce qui peut faire que dans certaines situations, nous cherchons plus à convaincre qu'à comprendre l'autre ?
- Qu'est-ce qui peut faire qu'une discussion (où chacun donne son avis, échange sans nécessairement chercher à convaincre) se transforme en débat (où chaque partie ne cherche que la "capitulation" de l'autre) ?

Difficultés
 - Comme nous en avons effleuré le sujet lors de l'avant-dernière rencontre, l'idée de se comprendre totalement grâce à la langue peut être illusoire* (et je reprendrai cette citation aux multiples paternités – Bernard WERBER, L'encyclopédie du savoir relatif et absolu pour ma part :)

"Entre
Ce que je pense
Ce que je veux dire
Ce que je crois dire
Ce que je dis

Ce que vous avez envie d'entendre
Ce que vous croyez entendre
Ce que vous entendez
Ce que vous avez envie de comprendre

Ce que vous croyez comprendre
Ce que vous comprenez
Il y a dix possibilités qu'on ait des difficultés à communiquer. Mais essayons quand même..."

* D'abord, l'idée en elle-même que ce serait possible ? ; ensuite, l' "impression" ou la "certitude" d'avoir compris la personne en face... et qui peut être erronée.

           
-  Sur le long terme, il peut y avoir une sensation de perte de temps :
Expliquer à une personne novice dans un domaine, une notion avancée de celui-ci peut être très long, puisque cela nécessite d'avoir connaissance de notions intermédiaires essentielles – qu'il va donc falloir expliquer ; qui amène d'autres notions essentielles à expliquer, etc.

= On n'explique pas en 1 ou 2H, une chose qui met des années de pratique / théorie à être cernée.
(Le contexte ; l'image mentale ("mind map"), peuvent se rapporter à ça.)  [Contre-exemple (mais risques – inexactitude, simplifications extrêmes, etc.) de la vulgarisation]

- Du point de vue inverse : il est compliqué (probablement impossible) d'être renseigné sur tous les sujets ;
- Y a-t-il alors malgré tout quelque légitimité de parler de ceux méconnus ?
- Dans quel(s) but(s) ? (Mise en opposition des idées de biens commun/personnel ; ...)

- Beaucoup d'entre nous ("génération Internet" peut-être plus ?) ont du mal à prendre le temps – d'apprendre, se renseigner, etc. : besoin d'immédiateté (réponses, plaisir –
cf facilités des jeux vidéos/films aujourd'hui – , ...)
- (// ou =) Progrès, rapidité de "la société"


  Que peut-on y gagner ?

Comprendre- les uns vis-à-vis des autres ;
Mais aussi nous-mêmes, (à travers) nos propres (ré)actions, émotions.
-  S'enrichir de ce qu'on peut réellement comprendre ; ne pas s'arrêter à des idées reçues, préjugés...
- Essayer de comprendre/connaître nos avis, décisions, en les confrontant aux autres ;
Les/nous faire évoluer.


  Let's debate! (?...)

dimanche 4 juin 2017

Sujet de Merc. 07/06/2017 : Deux plus deux font cinq. (G. Orwell)



      Deux plus deux font cinq. (G. Orwell)

 « - Vous croyez aussi que la réalité est évidente en elle même. Quand vous vous illusionnez et croyez voir quelque chose, vous pensez que tout le monde voit la même chose que vous. Mais je vous dis, Winston, que la réalité n'est pas extérieure. La réalité existe dans l'esprit humain et nulle part ailleurs… Voilà le fait que vous devez réapprendre, Winston. Il exige une acte de destruction personnelle, un effort de volonté. Vous devez vous humilier pour acquérir la santé mentale…      

O'Brien, présenta à Winston le dos de sa main gauche levée. Le pouce était caché, les quatre doigts étendus.          
- Combien est-ce que je vous montre de doigts, Winston ?  

- Quatre.        

Le mot se termina par un halètement de douleur…  

- Vous êtes un étudiant lent d'esprit, Winston, dit O'Brien gentiment.          
- Comment puis-je m'empêcher de voir ce qui est devant mes yeux ? Deux plus deux font quatre.

- Parfois, Winston. Parfois ils font cinq, parfois ils font trois, parfois ils font tout à la fois. Il faut essayer plus fort. Il n'est pas facile de devenir sensé….Je vous ai dit, Winston, que la métaphysique n'est pas votre fort. Le mot que vous essayez de trouver est solipsisme*. Mais vous vous trompez. Ce n'est pas du solipsisme. Ou si vous voulez c'est du solipsisme collectif… Le réel pouvoir, le pouvoir pour lequel nous devons lutter jour et nuit, est le pouvoir, non sur les choses, mais sur les hommes. Nous écrasons déjà les habitudes de pensée qui ont survécu à la révolution. Nous avons coupé les liens entre l'enfant et les parents, entre l'homme et l'homme, entre l'homme et la femme. Personne n'ose plus se fier à une femme, un enfant ou un ami… Vous ne serez plus jamais capable d'amour, d'amitié, de joie de vivre, de rire, de curiosité, de courage, d'intégrité. Vous serez creux. Nous allons vous presser jusqu'à ce que vous soyez vide, puis nous vous emplirons de nous-mêmes.….Le commandement des anciens despotismes était : " tu ne dois pas ". Le commandement des totalitaires était : " tu dois ". Notre commandement est : " tu es " ".                                                          (1984 - G. Orwell)

* Solipsisme : doctrine d'après laquelle il n'y aurait pour le sujet pensant d'autre réalité que lui même.

"Et sans doute notre temps… préfère l'image à la chose, la copie à l'original, la représentation à la réalité, l'apparence à l'être…Ce qui est sacré pour lui, ce n'est que l'illusion, mais ce qui est profane, c'est la vérité. Mieux, le sacré grandit à ses yeux à mesure que décroît la vérité et que l'illusion croît, si bien que le comble de l'illusion est aussi pour lui le comble du sacré." 
(L. Feuerbach - L'essence du christianisme)

En 2012 Jean-Jacques Rosat publie « La vérité ou la servitude ». Dans cet article il précise que les références classiques à Big Brother, la Novlangue, etc… font partie des clichés convenus que la bien-pensance a retenu pour argument contre le totalitarisme. Emboitant le pas de James Conant « Orwell ou le pouvoir de la vérité », il recentre l’apport d’Orwell dans « 1984 » dans le sens de la question du rapport entre liberté et vérité :
 « 1984 .. (est)… pertinent pour aujourd’hui – sans avoir besoin de repeindre notre démocratie post-moderne en système totalitaire masqué, sans avoir besoin de faire du monde capitaliste une vaste conspiration ourdie contre la liberté de penser par la coalition des intérêts marchands… La force d’Orwell est d’avoir mis au fondement de sa critique du totalitarisme, non le concept de liberté, mais celui de vérité. Non pas, certes, la vérité plutôt que la liberté, mais la vérité d’abord, comme fondement de la liberté ».
Orwell lui-même avait noté : « la préservation de la vérité objective et de la capacité de chaque individu à former des jugements objectivement vrais est la condition première et absolument nécessaire d’une vie libre » (Orwell ou le pouvoir de la vérité, p. VIII).
Puisque le mot de « vérité » passe facilement aujourd’hui pour un gros mot, sinon pour un terme franchement suspect, susceptible de véhiculer toutes sortes de prétentions dangereuses, voire… totalitaires, il vaut la peine de reprendre les clarifications inspirées à Conant par sa lecture d’Orwell.

« Parler de « vérité », pour Orwell, ce n’est aucunement adopter une thèse métaphysique lourde (sur la nature du concept de vérité, la réalité du monde, la recherche de l’Absolu, le rapport entre les mots, les concepts et les choses, voire l’existence d’un Garant ultime de la vérité de toutes choses).

La vérité qui intéresse Orwell est, pourrait-on dire, la vérité ordinaire, celle dont personne ne veut – ni, tout bien pensé, ne peut – se passer : la vérité de nos jugements quotidiens, lorsque nous pouvons dire l’heure qu’il est en consultant notre montre, nous rappeler si nous avons croisé Untel ou non la veille, ou reconnaître un mensonge éhonté.
Bien entendu, nous savons qu’en de telles occasions, nous pouvons toujours nous tromper : mais l’erreur est nécessairement l’exception (nous pouvons toujours nous tromper, mais pas nous tromper toujours), sans quoi plus rien n’aurait de sens. Il existe quelque chose comme l’observation, le souvenir, la découverte des faits « objectifs » qui existent indépendamment de nous et de ce que nous pensons d’eux.

Nos observations, nos souvenirs, nos découvertes, ne sont certes pas infaillibles : mais si l’erreur était la règle et non pas l’exception, ce sont les concepts mêmes d’observation, de souvenir ou de découverte qui deviendraient caducs, et avec eux s’effondreraient les formes concevables de la vie humaine ».

L’actualité d’Orwell : le post-modernisme comme totalitarisme.
« Ce qu’il y a de virtuellement totalitaire dans la pensée des intellectuels contemporains qui se réclament du « post-modernisme », c’est précisément qu’elle s’attaque au concept de vérité objective ; la question soulevée par Orwell  : « La réalité existe dans l'esprit humain et nulle part ailleurs… » O’Brien dans 1984.

Quels traits revêt une telle attaque ? Des traits hélas parfaitement familiers.
  • Le premier consiste à dissoudre la notion de vérité dans celle du consensus. Il n’y aurait pas de différence entre la vérité et ce que pensent la plupart des gens. Il serait facile d’aligner un nombre considérable de textes d’un Michel Foucault, par exemple, qui reposent précisément sur le même présupposé : être vrai et être tenu pour vrai sont une seule et même chose.

    De là la fortune d’expressions comme « la production de la vérité », « les techniques de vérité » ou « l’histoire de la vérité », qui confondent délibérément l’incontestable historicité des méthodes adoptées, en diverses époques, pour rechercher la vérité, et la très contestable idée d’une historicité de la vérité elle-même.
  • Aussi bien le second trait caractéristique de l’attaque post-moderne contre la vérité est-il un constructivisme radical : il n’y a de « vérité » que socialement construite. Autrement dit, il n’existe jamais de « faits objectifs », mais seulement des faits socialement construits, c’est-à-dire des manières de qui n’ont pas à répondre devant une réalité extérieure, mais reflètent seulement les intérêts et les besoins d’une société donnée à une époque donnée.

    Une proposition quelconque (par exemple : « il existe un sexe masculin et un sexe féminin ») n’est jamais vraie tout court ; elle est, tout au plus, vraie relativement à une certaine théorie – théorie dont l’existence s’explique entièrement par une « volonté de puissance » plus ou moins transparente.
Un roman comme 1984 est précieux aujourd’hui parce qu’il permet de comprendre qu’on ne peut séparer la cause de la liberté de celle de la vérité.

Il est précieux parce qu’il permet de comprendre que s’il n’existe pas une « réalité extérieure » devant laquelle nous avons, en dernier ressort, à répondre de nos croyances, alors non seulement l’idée du progrès scientifique, par exemple, devient incohérente, mais la perspective d’une servitude absolue devient une probabilité sérieuse ».
 J. Conant


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